Les traites
négrières, également appelées traite
des Nègres ou traite des Noirs,
désignent des commerces d'esclaves dont
ont été victimes, par millions, les
populations de l'Afrique de l'ouest,
Afrique .....centrale et l'Afrique
australe durant plusieurs siècles Pour la
définir, il faut associer et combiner les
six éléments suivants
- les victimes étaient des
Noirs
- les traites supposaient des réseaux
d’approvisionnement organisés et
intégrés ;
- les populations esclaves ne
pouvaient se renouveler par la
fécondité ;
- le lieu de la capture et celui de
la servitude étaient éloignés l’un de
l’autre ;
- la plupart du temps, la traite
correspond à un échange
commercial entre producteurs et
acheteurs ;
- les entités politiques approuvaient
ce commerce et en retiraient des
bénéfices substantiels.
La traite doit être
distinguée de l'esclavage qui
« consiste à exercer sur une personne
l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs
liés au droit de propriété » La
traite nécessite l'existence de
l'esclavage, mais l'inverse n'est pas
vrai : l'esclavagisme a existé sans
traite, dans le sud des États-Unis au XIXe siècle.
La traite se différencie de la notion
contemporaine de trafic d'êtres humains.
Les traites négrières
furent un phénomène historique de très
grande ampleur en raison du nombre de
victimes, des nombreuses méthodes
d'asservissement et des multiples
opérations de transports sur de longues
distances.
On en distingue trois
types : la traite orientale, la
traite occidentale et la traite
intra-africaine.
Le choix du terme pour
qualifier un commerce d'hommes, femmes et
enfants noirs a longtemps été discuté, et
continue de l'être. Selon l'historien
Olivier Pétré-Grenouilleau, la formule
« traite négrière » semble la
plus adaptée
Elle
fait principalement référence aux
producteurs, les « négriers ».
Les historiens avaient
d'abord parlé de slave trade
(« commerce d'esclaves »), mais
ce terme ne faisait pas l’unanimité auprès
des chercheurs. Pour Serge Daget, il
sous-entendait que les victimes étaient
déjà esclaves alors que bon nombre d'entre
eux étaient nés libres
La traite négrière, qui
comporte d'importants risques militaires,
nécessite une surface financière
conséquente : on y trouve guère
d'artisans ou petits marchands mais
surtout des officiers supérieurs, la
plupart du temps très proches de la
royauté, ou des financiers confirmés. Un
homme d'origine plus modeste, comme Henry
Morgan, s'y fait une place grâce à son
statut de leader des pirates de la Caraïbe
au début des années 1670. La majorité de
ces armateurs (il existe quelques
exceptions comme la famille Montaudouin)
ne consacre qu'une partie de leur activité
à la traité négrière afin de diversifier
les risques. Ainsi à Nantes, premier port
négrier en France (43 % des
expéditions négrières françaises,
représentant un peu plus du dixième de
l'activité maritime nantaise), l'armement
négrier n'a jamais excédé 22 % de
l'armement total
Craints et respectés
dans leur milieu, ces hommes disposent
d'un pouvoir considérable, qui explique le
développement très rapide de la traite
entre 1665 et 1750 et l'acquisition de
fortunes considérables, à une époque où
l'argent est rare et circule peu,
l'absence d'industrie limitant les
possibilités de s'enrichir vite. Leur
influence amène l'Angleterre puis la
France à approvisionner en esclaves
l'Espagne à qui le traité de Tordesillas
interdit l'accès aux côtes d'Afrique.
- En 1647, la Barbade
compte déjà 4 000 esclaves, 8 fois
plus qu'en 1642. Le colonel Hilliard,
qui a payé 400 sterling sa plantation en
1642 en revend la moitié au futur
gouverneur Thomas Modyford pour
7 000 sterling.
- En 1660, lors de la
restauration anglaise, le roi Charles II
Stuart fonde la compagnie des
aventuriers d'Afrique, dirigée par
Thomas Modyford jusqu'en 1669. Ses
soutiens William Berkeley et George de
Carteret sont récompensés par des dons
de terre (Caroline, Virginie et New
Jersey).
- En 1664, Sir John
Yeamans et le colonel Benjamin
Berringer, planteurs de sucre à la
Barbade, partent avec des centaines
d'esclaves dans la Province de Caroline,
deviennent gouverneurs. Frances
Culpeper, épouse de William Berkeley,
gouverneur de Virginie, héritière de ses
plantations, les rejoint.
- En 1664, Thomas
Modyford quitte la Barbade avec 700
esclaves pour la Jamaïque, dont il
devient gouverneur, et où il implante
l'économie sucrière.
- En 1671, Thomas Lynch,
planteur et négociant d'esclaves lui
succède, après avoir vécu cinq ans en
Espagne. Charles II lui demande de
désarmer les flibustiers pour assurer la
stabilité d'une Jamaïque appelée à
devenir une réserve d'esclaves pour
l'empire espagnol.
- En 1672, la nouvelle
Compagnie royale d'Afrique reçoit le
monopole de l'importation d'esclaves et
construit des dizaines de forts en
Afrique. Son créateur est le duc d'York
Jacques Stuart, qui succédera de 1685 à
1688 à son frère Charles II.
- En 1676, Henry Morgan,
arrêté en 1672 par Thomas Lynch, est
libéré et fait gouverneur de la
Jamaïque. Il reçoit une grande
plantation et désarme les pirates. Dans
les années 1680, 8 000 esclaves
arrivent chaque année dans l'île.
- En 1677, l'amiral
Jean-Baptiste Du Casse, directeur de la
Compagnie du Sénégal, obtint le
privilège royal de vendre aux Antilles
chaque année pendant huit ans 2 000
esclaves puis devient en 1791 gouverneur
de Saint-Domingue, où il acquiert une
grande plantation.
- Dès 1678, son premier
client fut le capitaine Charles François
d'Angennes, marquis de Maintenon, le
plus riche planteur de la Martinique.
- En 1701, Antoine
Crozat prend la direction de la
Compagnie de Guinée, que Louis XIV
autorise à amener « 3000 nègres
pour chaque an aux îles ».
Acquéreur de la Louisiane en 1712, il y
importe des esclaves et se heurte aux
Amérindiens.
- En 1735, Antoine
Walsh, leader de la communauté jacobite
des Irlandais de Nantes et fils de
Phillip Walsh, qui a ramené en France
Jacques II, est le premier négociant de
Nantes. Il finance les rébellions du
jacobitisme et fait échec aux projets de
taxation du sucre.
- De 1748 à 1751, la
société Grou et Michel et la société
d'Angola contrôlent 48 % de la
traite nantaise. Guillaume Grou avait
épousé Anne O'Shiell, sœur d'Antoine
Walsh. Leur fortune (4,5 millions de
livres) est confisquée en 1793.
- En 1771 et 1775,
Thomas Sutton de Clonard, actionnaire et
officier de la Compagnie française des
Indes orientales, associé du banquier
Isaac Panchaud, achète une immense
plantation sucrière à Saint-Domingue
pour 7,8 millions de livres
- En 1803, Jean Boze et
Jean Lafitte, figures de la Piraterie
des années 1800 dans la Caraïbe,
approvisionnent les planteurs français
de Cuba et de Louisiane.
La traite
orientale
utilisait les voies
commerciales des empires arabe puis
ottoman : traversée du Sahara, de la
Méditerranée, de la mer Noire, de la mer
Rouge. Elle approvisionnait leurs
principaux marchés aux esclaves, dans les
grandes villes d'Afrique du Nord et de la
péninsule arabique, puis de Turquie.
Au Moyen Âge, une partie
des esclaves terminaient leurs périples en
Europe méridionale, en partie sous
contrôle musulman la péninsule ibérique
avec l'Al-Andalus jusqu'au XVe siècle,
la Sicile jusqu'au XIe siècle,
les Balkans à compter du milieu du XIVe siècle
avec les Ottomans.
La traite d'esclaves
noirs vers l'Europe méridionale se
poursuivit après la Reconquista espagnole,
surtout vers la Sicile et les royaumes de
la couronne d'Aragon. Après le Moyen Âge,
quelques esclaves noirs arrivèrent
jusqu'en Russie via l'Empire
ottoman qui contrôlait la quasi-totalité
du pourtour de la mer Noire
Contrairement à une idée
reçue, la traite orientale ne touchait pas
davantage les femmes que les hommes et
n'était pas particulièrement à finalité
sexuelle Elle fournissait une main-d'œuvre
servile employée à des travaux domestiques
et de services (employés de maison, tâches
d'entretien des palais et des
infrastructures et activités
sexuelles : harem, concubines,
prostitution, eunuques), mais également
dans l'agriculture l'artisanat et
l'extraction minière ou le métier des
armes
La traite orientale a
été la plus longue et la plus régulière
des trois traites, ce qui explique qu'elle
ait globalement été la plus importante en
nombre d'individus asservis : 17
millions de noirs selon l'historien
Olivier Pétré-Grenouilleau, du VIIe siècle
à 1920
L'esclavagisme oriental
ne se limitait pas aux populations noires.
D'autres groupes ethniques en étaient
aussi victimes, notamment des Européens,
mais dans des proportions moindres. Elle
prélevait des populations venant des
steppes turques d'Asie centrale et de
l'Europe slave et suscita des razzias dans
le monde chrétien (Sud de l'Europe, Empire
byzantin).
Par ailleurs, des
inscriptions javanaises et des textes
arabes montrent qu'aux IXe et
Xe siècles,
l'Indonésie entretenait des échanges
commerciaux avec l'océan Indien et la côte
est de l'Afrique. Les inscriptions parlent
d'esclaves jenggi, c'est-à-dire
« zengi », employés à Java ou
offerts à la cour de Chine. En arabe, Zeng
ou Zanj désigne à l'époque les
habitants de la côte Est de l'Afrique
la traite occidentale
La traite atlantique, la
plus intense, fut effectuée au profit
d'Européens aidés par certains chefs
africains des zones côtières Elle débuta
en 1441 par la déportation de captifs
africains vers la Péninsule ibérique
pendant plusieurs décennies La première
vente de captifs noirs razziés des côtes
atlantiques a eu lieu en 1444, dans la
ville portugaise de Lagos Au siècle
suivant, les Portugais convoyèrent les
esclaves vers les Caraïbes et l'Amérique
du Sud. Les Anglais, les Français et les
Hollandais s'y joignent dans les années
1640.
Pour contourner la
mainmise ottomane sur les routes du
commerce avec l'Orient, le prince Henri le
Navigateur finança l'exploration maritime
des côtes atlantiques dès 1422. Il voulait
aussi s'allier à l'Éthiopie, royaume du
légendaire prêtre Jean et contenir
l’expansion mondiale de l'islam au
détriment de la chrétienté Les
considérations religieuses s'ajoutaient
aux considérations politiques et
commerciales : en 1442, puis en 1452,
les papes Eugène IV et Nicolas V
entérinèrent les conquêtes du roi Alphonse
V de Portugal.
En 1453, la chute de
Constantinople prive les négociants
européens du commerce transméditerranéen.
Des relations avec l'Afrique subsaharienne
sont progressivement mises en place par
Henri le Navigateur. Le Vénitien Alvise
Cadamosto organise deux expéditions pour
les côtes de l'Afrique subsaharienne, en
1455 et 1456
Le commerce en
droiture
La majorité des navires
commerçant avec les colonies ne pratiquent
pas la traite négrière mais le commerce en
droiture Le circuit en droiture consiste
en un aller-retour direct (sauf escale
nécessaire) entre la métropole et la
colonie désignée. Le navire part avec de
la marchandise vendue dans la colonie
(aliments spécifiques, outils nécessaires
au fonctionnement des colonies, bijoux,
tissu fin pour les colons, tissu grossier
pour les esclaves) puis effectue le trajet
en sens inverse après s'être chargé de
denrées coloniales (coton, sucre, cacao,
café, indigo). Commerce direct dont
l'aller se révèle peu rentable, il est
cependant moins risqué (risque financier
moindre car rotation plus rapide et ne
nécessitant pas de faire le détour par
l'Afrique) et domine aux deux tiers le
commerce triangulaire qui est plus tardif
Le commerce
triangulaire
Pour ses commanditaires,
il représentait le modèle économique le
plus sûr : le traitant n'avait pas
lui-même à organiser de razzias. Les
esclaves étaient simplement achetés à des
fournisseurs africains. Les navires
négriers partaient de l'Europe les cales
pleines de « pacotille »
(verroterie, miroirs, objets de parure,
coquillages) mais aussi des marchandises
de traite de qualité (tissus, alcool, arme
à feu, barres de fer, lingots de plomb)
troqués sur les côtes africaines contre
des captifs, la qualité d'un capitaine se
révélant à sa capacité à négocier auprès
de ses traitants qui peuvent faire jouer
la concurrence. Ils mettaient ensuite le
cap sur l'Amérique du Sud, les Caraïbes ou
l'Amérique du Nord. Les conditions de
détention des esclaves étaient extrêmement
dures : attachés par groupes,
entassés dans les cales, et seulement
sortis de temps à autre pour prendre
l'air. « Cargaison » précieuse
face au risque financier que prenait
l'armateur, leurs conditions de détention
s'améliorèrent au cours des siècles, leur
taux de mortalité étant de 10 % à
20 %, avec des pics à 40 %. Pour
les historiens, l'estimation la plus
probable s'établit à 13 % sur les
quatre siècles que dure la traite alors
que la mortalité moyenne d'un équipage
était tout juste inférieure
Les esclaves étaient
vendus contre des lettres de change ou des
matières premières : sucre, puis
coton et café pour approvisionner
l'Europe. Les investissements sucriers
anglais des années 1660 puis français des
années 1680, abaissent son prix, mais fait
monter celui des esclaves en Afrique,
relançant les guerres tribales.
L'Espagne ignorait le
commerce triangulaire. Le traité de
Tordesillas lui interdisant les
comptoirs en Afrique, elle concédait
des licences d'importation, via
l'Asiento. Les premiers esclaves africains
arrivent à Cuba dès 1513. Mais deux
siècles et demi plus tard, en 1763, Cuba
ne compte que 32 000 esclaves, 10
fois moins que la Jamaïque anglaise et 20
fois moins que Saint-Domingue. En
revanche, de 1792 à 1860, 720 000
noirs sont introduits par les réfugiés
français de Saint-Domingue à Cuba, alors
que l'esclavage disparaît à Saint-Domingue
et à la Jamaïque.
La création dans les
années 1670 de la Compagnie du Sénégal et
de la Royal African Company dope le
commerce triangulaire. La Martinique
n'avait que 2 600 esclaves en 1674,
ils sont 90 000 un siècle plus tard.
D'immenses fortunes émergent sans se
réinvestir dans l'industrie : malgré
l'enrichissement des Irlandais de Nantes,
l'arrière-pays chouan reste
sous-développé. Bordeaux et La
Rochelledeviennent à la fin du XVIIIe siècle
les autres capitales du commerce
triangulaire. Les bateaux sont plus
grands, Saint-Domingue reçoit 20 000
captifs par an, le prix des esclaves monte
encore, générant des guerres en Afrique.
Le commerce triangulaire,
aussi appelé traite atlantique
ou traite occidentale, est une traite
négrière menée au moyen d'échanges entre
l'Europe, l'Afrique et les Amériques, pour
assurer la distribution d'esclaves noirs
aux colonies du Nouveau Monde (continent
américain), pour approvisionner l'Europe
en produits de ces colonies et pour
fournir à l'Afrique des produits européens
et américains.L'expression commerce
triangulaire ne doit pas se réduire
uniquement à un passage en trois temps sur
trois continents : navires
occidentaux se rendant sur les côtes
africaines pour échanger des esclaves
contre des marchandises ; puis
transfert des esclaves en Amérique et
échange contre une lettre de change, du
sucre, du café, du cacao, du coton du
tabac et sans oublier de l'or ;
enfin acheminement des produits américains
vers les ports européensEn réalité, le
déroulement du commerce triangulaire était
beaucoup plus vaste et il existait
plusieurs routes : l'Europe
s'activait, en amont de la traite, afin de
réunir les capitaux, les marchandises, les
hommes et les navires nécessaires, ainsi
que de trouver des alibis pour justifier
ce trafic ; tandis qu'en aval, elle
s'occupait de la transformation des
denrées.
le « commerce
triangulaire » conduit également à ne
considérer l'Afrique et l'Amérique qu'au
travers d'escales, plus ou moins
secondaires dans l'organisation et la
logique du trafic. On mésestime ainsi
lourdement l'importance du continent noir,
où les captifs étaient
« produits », transportés,
parqués et estimés par des négriers noirs.
De leur côté, les Amériques ne
constituaient pas seulement des lieux par
lesquels transitaient les captifs, puisque
c'est la logique du système esclavagiste
qui entraînait la traite. Et l'on sait
aujourd'hui que Rio de Janeiro, et non
Liverpool, fut le premier port négrier de
la planète. Outre les traites orientales
et internes à l'Afrique, on oublie enfin
les trafics océaniques ne s'inscrivant
nullement dans un triangle. Celui reliant
le Brésil à l'Afrique, et notamment à
l'Angola, fut essentiel car il fit
transiter la plus grande partie des
captifs de la traite atlantique. Celui
mettant en contact l'Afrique orientale et
les Mascareignes ne fut pas négligeable,
de même que celui reliant l'Afrique aux
Caraïbes
L'armement négrier était en France une
activité très concentrée : Robert
Stein a recensé 500 familles qui avaient
armé, à Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le
Havre et Saint-Malo, 2800 navires pour
l'Afrique. Parmi elles, 11 familles (soit
2 %) avaient armé 453 navires (soit
16 %).
Entrave d'esclave sur un
navire. Musée de la Marine, Paris.
Les armateurs négriers ne se livraient
pas uniquement à la traite. En France, ils
avaient d'autres activités, moins
spéculatives, comme l'assurance, la
droiture vers les îles ou la pêche à la
morue. Ils occupaient souvent une place
très importante dans les sociétés
portuaires et ils étaient très influents.
Entre 1815 et 1830, presque tous les
maires de Nantes avaient été des négriers.
La mise hors nécessaire
à l'armement d'un négrier typique du XVIIIe siècle
exigeait une somme importante :
quelque 250 000 livres en France, la
valeur d'un hôtel particulier dans une rue
élégante de Paris, comme la rue
Saint-Honoré Tho 1. Elle
était trois fois supérieure à celle d'un
bâtiment de même tonnage filant en
droiture vers les îles. Pour financer leur
expédition, les armateurs partageaient les
risques financiers. Ils faisaient appel à
un certain nombre de personnes pour
prendre des parts dans l'entreprise.
Appelés actionnaires ou associés, ces
derniers pouvaient être très nombreux. En
France, les armateurs trouvaient souvent
les capitaux auprès de leurs amis, de leur
connaissances et de leurs parents.
- Le navire
- Le choix du navire dépendait de la
stratégie de l'armateur. Si celui-ci
optait pour un voyage rapide alors le
voilier devait être fin et rapide. S'il
voulait se montrer économe, un navire en
fin de carrière pouvait convenir. Le
tonnage moyen du négrier était souvent
supérieur à celui des navires destinés à
la droiture vers les îles. Le navire
négrier devait également répondre à des
impératifs :Il devait être
polyvalent, c'est-à-dire, être capable
de contenir des marchandises comme des
captifs.
- Le volume de la cale devait être très
important pour l'eau et les
vivres : en supposant qu'il faille
2,8 litres
d'eau par personne et par jour, pour 45
marins et 600 captifs, sur un voyage de
deux mois et demi, les besoins en eau se
montaient à 140 000 litres
d'eau ; il fallait compter 40 kilos
de vivres par personne.
- La hauteur de l'entrepont devait être
comprise entre 1,40 et 1,70 mètre.
L'entrepont servait de parcs à esclaves
et avec cette hauteur, les négriers
augmentaient la surface disponible en
installant des plates-formes à
mi-hauteur sur les côtés, sur une
largeur de 1,90 mètre.
Entre 1749 et 1754, le tonnage moyen des
négriers nantais (187 observations) était
compris entre 140 et 200 tonneaux.
Les marchandises
transportées devaient être suffisamment
nombreuses et diversifiées. Les navires
européens emportaient dans leur cale des
textiles bruts, des textiles finis, des
armes blanches, des armes à feu, des vins
et spiritueux, des matières premières
brutes, des produits semi-finis ou finis,
des articles de fantaisie et parure, du
consommable volatil, des instruments
monétaires, des articles de cadeaux et de
paiement des coutumes.
La cargaison d'un
négrier en partance pour les côtes
d'Afrique représentait 60 à 70 % du
montant de la mise-hors nécessaire à
l'armement du navire. En effet, de
nombreux produits de traite étaient
relativement chers. C'étaient le cas des
« indiennes », des textiles qui
représentaient entre 60 et 80 % de la
valeur de la cargaison.
La composition standard de l'assortiment,
décrite ci-dessus, s'est construite petit
à petit. Elle n'est devenue effective qu'à
partir du dernier tiers du XVIIe siècle,
soit plus d'un siècle après le début de la
traite. Auparavant, les négriers européens
avaient proposé différents produits. Mais
s'ils ne satisfaisaient pas la demande,
ces derniers étaient retirés des
négociations. Ce fut le cas, par exemple,
de la nourriture, des animaux et des
agrumes, présents dans les premières
cargaisons portugaises.
Le nombre d'hommes
d'équipage sur un navire négrier était
deux fois plus important que celui des
autres navires marchands de même tonnage.
En France, on comptait 20 à 25 hommes par
100 tonneaux, ou encore un marin pour 10
captifs. L'équipage était composé de
jeunes, de novices, parfois de fils
d'armateur, de déracinés et d'aventuriers
en tout genre.
- Les marins
indispensables
Pour la réussite d'une
expédition négrière, quatre hommes étaient
particulièrement importants :
- le charpentier qui
devait construire le faux-pont une fois
que le navire se rapprochait des sites
de traite africains ;
- Le tonnelier qui
devait s'assurer de la bonne
conservation de l'eau et des vivres, en
quantité très importante dans la
cale ;
- Le cuisinier qui devait nourrir des
centaines de captifs et l'équipage.
- Le chirurgien qui devait s'assurer de
la bonne santé des captifs à l'achat. Il
était également chargé du marquage au
fer rouge des captifs. Mais il ne
pouvait rien contre les maladies qui se
déclaraient à bord (J.-C. Nardin en
dénombre 45 différentes).
Afin de mener à bien une
expédition négrière, l'armateur nommait un
capitaine. Il n'hésitait pas à intéresser
le capitaine dans les profits de
l'expédition en plus des primes. Celui-ci
devait réunir plusieurs compétences :
- des compétences
nautiques. Le capitaine devait savoir
naviguer mais il devait également
surmonter les nombreux obstacles
naturels qu'il allait rencontrer sur sa
route.
- des compétences
commerciales. Le capitaine devait savoir
marchander avec les traitants africains.
Certains capitaines (surtout français)
marchandaient également avec les colons
- des compétences de
manieur d'hommes et de garde-chiourme.
La production d'esclaves
La production de captifs
était une affaire quasi exclusive des
Africains. Daniel Pratt Mannix estime que
seuls 2 % des captifs de la traite
atlantique furent enlevés par des négriers
blancs. Dès 1448, Henri le Navigateur
avait donné l'ordre de privilégier
l'établissement de relations commerciales
avec les Africain
Les lançados, métis de
Portugais, jouèrent les intermédiaires
entre les négriers occidentaux et les
négriers africains à partir du dernier
tiers du XVIe siècle
en Gambie et au Libéria. D'autres lançados
s'étaient établis dans le royaume du
Dahomey. Au XIXe siècle,
leur rôle en tant qu'intermédiaires et
producteurs d'esclaves y était très
important, surtout lorsque Francisco Felix
da Souza obtint du roi Ghézo, en 1818, la
charge de "Chacha" (responsable du
commerce pour le royaume du Dahomey)
Au Congo[, à partir du XVIIe siècle,
des caravanes de pombeiros
(marchands indigènes acculturés et
commandités par les Portugais)
s'enfonçaient à l'intérieur du continent
pour aller produire ou acheter des
esclaves
Ailleurs, la production
de captifs était affaire purement
africaine
Les modalités de
réduction en esclavage
Selon Orlando Patterson,
les principales modalités de réduction en
esclavage étaient la capture à la guerre,
l'enlèvement, les règlements de tributs et
d'impôts, les dettes, la punition pour
crimes, l'abandon et la vente d'enfants,
l'asservissement volontaire et la
naissance
La confrontation de
plusieurs sources montrent qu'il pouvait y
avoir, selon les régions, un ou plusieurs
modes de réduction en servitude
prédominants :
- Selon une enquête de
M. Gillet établie en 1863 dans la région
du Congo, seuls quarante esclaves
environ, sur un total de 2571, étaient
prisonniers de guerre ou bien avaient
été pris et vendus par des peuples
voisins. On comptait 1519
« esclaves de naissances »,
413 personnes avaient été vendues
« par des gens de leur propre tribu
sans avoir, selon (elles), commis aucun
délit ». Enfin 399 avaient été
condamnées (pour infidélité, adultère,
vol, crimes et délits divers, commis par
eux ou par certains de leurs proches)
- En 1850, S. Koelle
interrogea 142 esclaves en Sierra Leone.
34 % dirent qu'ils avaient été pris
à la guerre, 30 % qu'ils avaient
été enlevés, 7 % qu'ils avaient été
vendus par des membres de leur famille
ou des supérieurs. Par ailleurs,
7 % avaient été vendus pour solder
des dettes et 11 % condamnés au
cours de procèsMortalité des
captifs sur le sol africain
On dispose de peu
d'éléments sur le nombre de captifs
décédés sur le sol africain. Cependant,
pour l'Angola, il existe de telles
informations : selon Miller, les
pertes y auraient été de 10 % lors
des opérations de capture, de 25 % au
cours du transport vers la côte, de 10 à
15 % lorsque les captifs étaient
parqués dans les barracons sur la côte. Au
total, les pertes se situeraient entre 45
et 50 %
Il est impossible d'extrapoler ces
données pour tirer des conclusions sur
l'ensemble de l'Afrique. On suppose que
les pertes étaient liées à la distance
parcourue et à la durée nécessaire pour
atteindre les sites de traite côtiers.
Ainsi les pertes pouvaient être très
différentes selon les régions.
-
- P. Manning estime que pour 9
millions de déportés aux Amériques,
21 millions auraient été capturés en
Afrique (7 millions seraient devenus
esclaves en Afrique et 5 millions
seraient morts dans l'année suivant
leur capture)
- Joseph Inikory estime que la
traite atlantique et les diverses
calamités naturelles auraient fait
112 millions de victimesPetre 19.
- Raymond L. Cohn estime que 20 à
40 % des captifs mouraient au
cours de leur transport à marche
forcée vers la côte, et que 3 à
10 % disparaissaient en y
attendant les navires négriers. On
arrive à un total compris entre 23
et 50 %
L'échange des esclaves
Les modalités de l'échange
Les échanges se
faisaient soit à terre, soit sur le
bateau. Dans les deux cas, les modalités
de l'échange entre négriers africains et
négriers européens avaient peu varié au
cours des siècles La marchandise
européenne était étalée aux regards des
courtiers et des intermédiaires africains.
Ensuite les négriers européens payaient
les coutumes, c'est-à-dire des taxes
d'ancrage et de commerce. Puis les deux
parties se mettaient d'accord sur la
valeur de base d'un captif. Ce marchandage
était âprement discuté.
Des
unités de compte déconnectées Ce
n'est qu'à partir du XIXeme siècle
que des monnaies fiduciaires occidentales
ont été introduites en Afrique
sub-saharienne. Il s'agissait notamment du
dollar américain, de la piastre et du
Thaler de Marie-Thérèse.
Avant les courtiers africains utilisaient
leur propre unité de compte comme la barre
en Sénégambie ou l'once à Ouidah. En ce
qui concerne les marchandises européennes,
ils ne tenaient pas compte des prix
occidentaux.
Dans certaines régions, c'est le choix
dans l'assortiment qui déterminait la
valeur d'un lot d'esclaves. En 1724, dans
la région du fleuve Sénégal, 50 captifs
avaient été traités pour :
- 201 pataques à 4 livres la pièce
- 1 macaton petit d'argent et sa chaîne
- 1 cornet, ditto
- 5 fusils
- 8 cordes
- 1,5 aune, drap écarlate
- 24 pintes eau de vie
- 12 barres de fer
- 75 livres de poudre à canon
- 104 livres de plomb en balle
- 225 aunes, toile bleue et noire
- 69 aunes, toile de Rouen
- 12 milliers, galets rouge.
C'est ce que valaient
les 50 captifs pour les négriers
africains. Par contre, le négrier français
convertissait le tout en monnaie
fiduciaire française et ces 50 captifs lui
coûtaient 2 259 livres
tournois. Ainsi chaque captif
coûtait en moyenne 45 livres.
Dans d'autres régions,
le prix était fixé en unité de compte
locale. Par exemple à Ouidah un canon
équivalait à une dizaine d'esclaves, à
Douala on trouve des barres de fer et des
pots de cuivre ayant servi de monnaie
d'échange, au musée de Banjul se trouve
exposée une table de conversion du kilo
d'esclave en pistolets, cristaux ou
vêtements2. Mais pour les
négriers occidentaux, le coût d'un esclave
pouvait facilement varier. En 1773, à
Ouidah, le prix d'un captif homme était
fixé à 11 onces. À cette valeur, les
marchandises échangées étaient différentes
suivants les courtiers
|
|
onces |
Courtier Cazou |
|
|
|
3 ancres d'eau de vie |
3 |
|
123 livres de cauri |
3 |
|
5 rolles de tabac |
5 |
Courtier Colaqué |
|
|
|
2 ancres d'eau de vie |
2 |
|
205 livres de cauri |
5 |
|
16 platilles |
2 |
|
2 rolles de tabac |
2 |
|
1 chapeau |
|
Courtier Yaponeau |
|
|
|
4 ancres d'eau de vie |
4 |
|
164 livres de cauri |
4 |
|
1 pièce de toile à
robe |
1 |
|
2 pièces de mouchoirs
de Cholet |
1 |
|
4 barres de fer |
1 |
|
1 chapeau |
Les
prix des esclaves entre 1440 et 1870
Les prix avaient évolué au cours des
quatre siècles de la traite négrière
occidentale.
L'arrivée des Français
et des Anglais en 1674 sur les côtes
d'Afrique, jusque là chasse gardée des
Hollandais, fait brutalement monter le
prix des esclaves, qui sera multipliée par
6 entre le milieu du XVIIe siècle
et 1712, entraînant le développement de
nouveaux circuits d'approvisionnement à
intérieur du continent, qui affaiblissent
les sociétés africaines
traditionnelles.L'arrivée en masse de
nouveaux esclaves aux Antilles fait
parallèlement baisser leur prix d'achat
par les planteurs de canne à sucre, dopant
la production ce qui a pour effet
d'abaisser le prix de cette denrée sur le
marché mondial et encourager sa
consommation avec à la clé un immense
développement de l'économie sucrière et le
trafic d'esclaves.Les prix avaient évolué
au cours des quatre siècles de la traite
négrière occidentale, tant côté anglais
que français.
- Côté anglais et espagnol, Hugh Thomas
présente la liste ci-dessous :
- Côté français, Serge Dagetnous en
donne également une autre :
- Au
milieu du XVIIe siècle,
à Ouidah, le coût du captif moyen
équivalait à 72 livres tournois.
- En
1670, à Ouidah, le coût du captif
moyen montait à 192 livres.
- En
1712, sur la côte de l'Or, un captif
coûtait 384 à 410 livres tournois.
- À la
fin du XVIIIe siècle,
à Ouidah, il pouvait atteindre 480
livres.
- Entre
1830 et 1840, à Ouidah et à Lagos, un
captif valait 360 à 480 F
- En
1847, à Ouidah, il coûtait 1 680
à 1 920 F.
- En
1847, à Lagos, le coût d'un captif
était de 480 F.
Les modalités
d'embarquement
Porte du voyage sans retour de la
Maison des Esclaves, à Gorée au
Sénégal.Si le bateau appartenait à
une compagnie, il se rendait aux
comptoirs appartenant à leur nation.
Là, des captifs étaient entreposés
en vue de leur déportation. Avec le
commerce libre, l'armateur fixait
les lieux de cabotage du
navire : dans le meilleur des
cas, le navire cabotait dans une
zone prédéfinie ; dans le pire
des cas, le navire procédait à un
lent cabotage entre chaque foyer
négrier (appelé également la traite
volante, de la Sénégambie
jusqu'au Gabon et plus loin encoreLa
durée du cabotage dépassait très
fréquemment les trois mois
L'embarquement des captifs se
faisait par petits groupes de quatre
à six personnes. Certains
préféraient sauter et se noyer
plutôt que de subir le sort qu'ils
s'imaginaient : ils croyaient
que les Blancs allaient les
manger.Dès qu'ils étaient à bord,
les hommes étaient séparés des
femmes et des enfants. Ils étaient
enchaînés deux à deux par les
chevilles et ceux qui résistaient
étaient entravés aux poignets.
La traversée de
l'Atlantique Noir passage
Hubert
Deschamps qualifiait la traversée de
l'Atlantique de « noir
passage ».
Le
terme Passage du milieu désigne la
même chose mais se réfère à la
partie centrale, transatlantique, du
Commerce triangulaire.
La
traversée durait généralement entre
un et trois mois. La durée moyenne
d'une traversée était de 66,4 jours.
Mais selon les points de départ et
d'arrivée, la durée pouvait être
très différente. Ainsi les
Hollandais mettaient 71 à 81 jours
pour rejoindre les Antilles alors
que les Brésiliens effectuaient
Luanda-Brésil en 35 joursPetre
21. Avant d'entamer la
traversée, il arrivait souvent que
le négrier mouille aux îles de
Principe et São Tomé. En effet, les
captifs étaient épuisés par un long
séjour, soit dans les baracons, soit
dans le cas d'une traite itinérante
sous voilePetre 22.
Les femmes et les enfants étaient
parqués sur le gaillard d'arrière
tandis que les hommes étaient sur le
gaillard d'avant. La superficie du
gaillard d'avant était supérieure à
celle du gaillard d'arrière. Ils
étaient séparés par la rambarde.
Les
captifs étaient enferrés deux par
deux. Ils couchaient nus sur les
planches. Pour gagner en surface, le
charpentier construisait un
échafaud, un faux pont, sur les
côtés. Le taux d'entassement était
relativement important. Dans un
volume représentant 1,44 m³ (soit un
« tonneau
d'encombrement », 170×160×53),
les Portugais plaçaient jusqu'à cinq
adultes, les Britanniques et les
Français, de deux à trois. Pour les
négriers nantais, entre 1707 et
1793, le rapport général entre
tonnage et nombre de Noirs peut être
ramené à une moyenne de 1,41.
Theophilus Conneau témoigna
ainsi en 1854 : « Deux des
officiers ont la charge d'arrimer
les hommes. Au coucher du soleil,
le lieutenant et son second
descendent, le fouet à la main, et
mettent en place les Nègres pour
la nuit. Ceux qui sont à tribord
sont rangés comme des cuillers,
selon l'expression courante,
tournés vers l'avant et
s'emboîtant l'un dans l'autre. À
bâbord, ils sont tournés vers
l'arrière. Cette position est
considérée comme préférable, car
elle laisse le cœur battre plus
librement. »
Si
le temps le permettait, les déportés
passaient la journée sur le pont.
Toujours enchaînés, les hommes
restaient séparés des femmes et des
enfants. Ils montaient par groupes
sur le pont supérieur vers huit
heures du matin. Les fers étaient
vérifiés et ils étaient lavés à
l'eau de mer. Deux fois par semaine,
ils étaient enduits d'huile de
palme. Tous les quinze jours, les
ongles étaient coupés et la tête
rasée. Tous les jours, les bailles à
déjection étaient vidés, l'entrepont
était gratté et nettoyé au vinaigre.
Vers neuf heures, le repas était
servi : fèves, haricots, riz,
maïs, igname, banane et manioc.
l'après-midi les esclaves étaient
incités à s'occuper (organisation de
danses). Vers cinq heures les
déportés retournaient dans
l'entrepont. Par contre, en
cas de mauvais temps et de tempête,
les déportés restaient confinés dans
l'entrepont. Il n'y avait pas de
vidange, ni de lavement des corps,
ni de nettoyage des sols. Le contenu
des bailles coulait sur les planches
de l'entrepont, se mêlait aux choses
pourries, aux émanations de ceux
victimes du mal de mer, aux
vomissures, au « flux de
ventre, blanc ou rouge ».
Toutes les écoutilles pouvaient être
closes. L'obscurité, l'air rendu
irrespirable par le renversement des
bailles à déjection, le roulis qui
faisait frotter les corps nus sur
les planches, la croyance d'un
cannibalisme des négriers blancs
terrorisaient et affaiblissaient les
captifs
es
révoltes à bord La plupart
des révoltes se réalisaient le long
des côtes africaines. Elles
pouvaient également avoir lieu en
haute mer mais c'était beaucoup plus
rare. Selon Hugh Thomas il y avait
au moins une insurrection tous les
huit voyages.
Quelques-unes réussirent :
- en
1532, 109 esclaves se rendirent
maîtres du Misericordia,
un navire portugais. De
l'équipage, il ne restait que 3
rescapés. Ceux-ci réussirent à
s'enfuir. On n'entendit plus
jamais parler du navire.
- En
1650, un navire espagnol sombra au
large du cap de San Francisco. Les
Espagnols survivants furent tués
par les captifs africains.
- En
1742, les prisonniers de la galère
Mary se soulevèrent. Seuls
le capitaine et son second en
réchappèrent.
- En
1752, les esclaves du Marlborough
se révoltèrent. On n'entendit plus
jamais parler d'eux.
Mais
la plupart du temps, les révoltes
étaient matées et les meneurs
servaient d'exemple : ils
étaient publiquement battus et
pendus, voire pire. Certains
pouvaient être victimes d'actes de
barbarie :le capitaine
n'hésitait pas à couper une partie
du corps de la victime pour
épouvanter les autres captifs. En
effet, beaucoup de Noirs croyaient
que s'ils étaient tués sans être
démembrés, ils regagneraient leur
pays après avoir été jetés à la mer
- Un
capitaine n'hésita pas à
contraindre deux captifs à manger
le cœur et le foie d'un troisième
avant de les tuer
- Selon
Hugh Thomas, le châtiment le plus
brutal semble avoir été celui
infligé au meneur d'une révolte
sur le bateau danois Friedericius
Quartus, en 1709. Le premier
jour, il eut la main coupée et
celle-ci fut exhibée devant tous
les déportés. Le deuxième jour, on
lui coupa la seconde main qui fut
également exposée. Le troisième
jour, il eut la tête tranchée et
son torse fut hissé sur la grande
vergue où il resta exhibé durant
deux jours.
La
mortalité des déportés durant la
traversée
Jusqu'en 1750, la période la plus
active, elle reste proche d'un sur
six.Différents facteurs de mortalité
ont été recensés : la durée du
voyage, l'état sanitaire des
esclaves au moment de
l'embarquement, la région d'origine
des captifs, les révoltes, les
naufrages, l'insuffisance d'eau et
de nourriture en cas de prolongement
de la traversée, le manque
d'hygiène, les épidémies
(dysenterie, variole, rougeole,...),
la promiscuité.Les enfants de moins
de 15 ans étaient plus fragiles que
les hommes. Les femmes étaient plus
résistantes que les hommes.La
mortalité des déportés lors de la
traversée serait comprise entre
11,9 % et 13,25 %. Il
arrivait que certaines atteignent
40 %, voire 100 %Dans le
cas des expéditions négrières
nantaises, le taux de mortalité des
déportés avoisinait 13,6 %
Évolution de la mortalité
moyenne des déportés
1597 - 1700 |
1701 - 1750 |
1751 - 1800 |
1801 - 1820 |
1821 - 1864 |
Ensemble de la période |
22,6 % |
15,6 % |
11,2 % |
9,6 % |
10,1 % |
11,9 % |
La
venteLes
esclaves devaient être
systématiquement soumis à une
quarantaine avant d'être
débarqués. Mais les arrangements
avec les autorités étaient
fréquents. Le chirurgien veillait
à redonner une apparence
convenable : les lésions
cutanées et les blessures étaient
dissimulées, les cheveux étaient
coupés et le corps était enduit
d'huile de palme. Ils étaient
alors prêts pour être vendus sur
les marchés aux esclaves. Dans la
majorité des colonies, les
esclaves étaient vendus par lots.
Une annonce était transmise aux
planteurs locaux. La vente pouvait
avoir lieu sur le navire ou à
terre. Il existait plusieurs
techniques de vente comme les
enchères ou le scramble. Les
colonies qui importèrent le plus
d'esclaves furent le Brésil suivi
des Antilles.
Le retour en
Europe
Les négriers rentraient en Europe
avec de la canne à sucre ainsi que
de l'or, ou effets de commerce,
correspondant à la vente des
esclaves. Mais aussi avec des
produits dit de "haute valeur" (le
coton, la canne à sucre, le tabac et
des métaux précieux).
La mortalité des
marins
Pour les négriers nantais, la
mortalité moyenne était de
17,8 %. Il ne s'agit que d'une
moyenne. Certaines traversées
pouvaient se faire sans aucun décès
tandis que d'autres pouvaient
enregistrer une mortalité de
80 % voire davantage
Histoire du
commerce triangulaire
On considère généralement que le
début de la traite occidentale date
de 1441, quand des navigateurs
portugais enlevèrent des Africains
pour en faire des esclaves dans leur
pays
Une autre motivation de l'esclavage
organisé par les Portugais est le
besoin impérieux pour les équipages
de marins, de se reposer au cours de
leurs interminables voyages vers les
Indes occidentales et vers la Chine
(à Macao) et le Japon (à Nagazaki) .
Ces voyages pouvaient durer des
mois, entraînant une forte mortalité
dans les équipages portugais (à
cause de la fatigue et du scorbut).
D'où la nécessité de se reposer dans
des escales sur les possessions
portugaises de l'Atlantique :
principalement les îles du Cap Vert
et les îles de Sao Tome et Principe.
Pour cela, les autorités portugaises
décidèrent de faire venir des
paysans portugais cultiver la terre
de ces îles atlantiques (dans le but
de nourrir les marins faisant
escale, avec une nourriture fraîche
qui limitait le scorbut). Ces
paysans portugais, habitués au
climat relativement sec du Portugal,
mouraient en grand nombre sous le
climat équatorial de ces îles
africaines. Par contre les Africains
habitués à ce climat supportaient
bien mieux de travailler dans de
telles conditions : d'où l'idée
des Portugais de faire venir du
continent africain des esclaves pour
travailler la terre de ces
îles : ce fut de début de
l'esclavage des Africains par les
Européens.
Première
étape, du XVe siècle
au milieu du XVIIe siècle
Les
royaumes européens et les
premières expéditions négrières
Ce sont les Portugais qui se
distinguèrent. Ils déportèrent près
de 757 000 esclaves, soit trois
quarts des déportés sur cette
période. Trois déportés sur quatre
étaient embarqués à partir de
l'Afrique centrale et ils étaient
destinés au Brésil (34 %) et à
l'Amérique espagnole continentale
(43 %).
Au total, 90 % de cette traite
a eu lieu après 1672 et la création
en Angleterre de la Compagnie royale
d'Afrique, qui a surtout
approvisionné la Jamaïque et en
France de la Compagnie du Sénégal
pour alimenter l'île de
Saint-Domingue.
Les
premières années
Au XVe siècle,
avec le commerce transsaharien, de
nombreux produits africains, comme
l'or, les esclaves ou le poivre de
malaguette (appelé également la
graine du paradis), étaient présents
sur quelques marchés européensTAvec
la prise de Ceuta en 1415, les
Portugais s'informèrent sur le
commerce transsaharien. Ils en
connaissaient de nombreux détails.
Leur objectif était d'atteindre les
mines d'or africaines. Pour y
parvenir, ils ne tentèrent pas de
prendre le contrôle des routes
transsahariennes (solidement
maintenues par les Arabes) . Ils
privilégièrent une nouvelle route,
la voie maritime
Les Portugais furent les premiers
Européens à se risquer sur les côtes
atlantiques de l'Afrique. Plusieurs
facteurs y contribuèrent
ces
mers étaient les leurs ;
-
c'étaient de bons marins qui
utilisaient les cartes et la
boussole ;
-
ils avaient de bons navires (les
caravelles) ;
- le
commerce était très dynamique.
L'Europe du Nord venait dans les
ports portugais s'approvisionner en
produits méditerranéens ;
-
les autres royaumes européens
étaient plus occupés à se faire la
guerre.
En
1441, Antao Gonçalves captura des
Africains noirs, des Azenègues, qui
furent offerts en trophée au prince
Henri Cet événement est considéré
comme le début de la traite
atlantique. Mais à l'époque, cet
épisode fut anodin. En effet, depuis
plusieurs décennies, la traite
transsaharienne fournissait des
esclaves noirs au Portugal. Les
Portugais continuèrent les razzias.
Celles-ci procuraient un profit
immédiat et elles rentabilisaient
les expéditions
Un
nouveau procédé d'obtention de
captifs prit forme très tôt, le
commerce. Dès 1446, Antao Gonçalves
acheta des esclaves. En 1448,
1 000 captifs furent déportés
au Portugal et sur les îles
portugaises (les Açores et Madère).
Dans les années 1450, le Vénitien
Ca'da Mosto reçut 10 à 15 esclaves
en « Guinée » en échange
d'un cheval. Il essaya d'entrer en
contact avec Sonni Ali Ber,
l'empereur des Songhaïs. Ces efforts
restèrent vains
Supposant
des succès portugais, les Castillans
et les Gênois lancèrent leurs
propres expéditions. Ils furent
contrés par la diplomatie
portugaise.
Une
présence portugaise qui s'affirma
Les
Portugais avaient plusieurs
objectifs.
- Ils
voulaient entrer en contact avec
le royaume du prêtre Jean
(l'Éthiopie) pour obtenir une
alliance. Ils pensaient ainsi
prendre en tenaille le monde
musulman (surtout après la prise
de Constantinople par les Turcs
musulmans).
- Les
relations avec l'Afrique étaient
largement motivées par le commerce
avec l'Asie. Pour leurs
importations, les Portugais
avaient besoin d'or (pour l'Empire
Ottoman), d'argent (pour
l'Extrême-Orient) et de cuivre
(pour l'Inde).
- L'objectif
principal restait le profit.
Ainsi,
dans la seconde moitié du XVe siècle,
les Portugais s'enhardirent. La
Couronne portugaise entreprit
d'établir des relations commerciales
stables avec l'Afrique
subsaharienne. En 1458, le prince
Henri le navigateur souhaita que ses
hommes achètent les esclaves plutôt
que de les razzier. Cette mission
fut confiée à Diogo Gomez (il revint
avec 650 esclaves razziés). La
Couronne portugaise décida de
laisser la gestion des nouvelles
expéditions à des hommes d'affaires
et des marchands portugais. Le
premier d'entre eux fut Fernando Po
en 1460. En contrepartie, il
s'engagea à verser chaque année
200 000 reis et à explorer 100
lieues de côtes inconnues. Le droit
de transporter des esclaves fut
ensuite confié à une succession de
marchands privilégiés, obligés de
verser un impôt annuel fixé par la
couronne.
Le
règlement vis-à-vis des expéditions
évolua : tout esclave importé
devait être débarqué à Lisbonne
(1473) et tout bateau en partance
pour l'Afrique devait s'enregistrer
à Lisbonne (1481). Les Portugais
commencèrent à s'implanter sur
plusieurs points du littoral
africain. En 1461, le premier
comptoir et le premier fort étaient
achevés à Arguin En 1462, ils
s'installèrent dans les îles du cap
Vert. En 1481, le construction de la
forteresse d'El Mina commençait. Le
prince local, Ansa de Casamance,
voyait d'un mauvais œil cette
nouvelle bâtisse. En 1486, ils
étaient sur l'île de Sao Tome
Ces expéditions étaient
souvent de brillantes réussites
commerciales. Les Portugais étaient
de très bons intermédiaires et,
grâce à leur caravelle, ils
pouvaient convoyer toute sorte de
biens le long du littoral africain.
Ils s'intéressaient surtout à l'or,
à l'ivoire et à la graine de Guinée Mais
les esclaves prenaient une place de
plus en plus importante. En effet, à
partir de 1475, les Portugais
fournirent des esclaves aux Akans à
Elmina et la réussite des
implantations de la canne à sucre à
Madère (1452), aux îles Canaries
(1484), puis à Sao Tome (1486)
exigea un nombre croissant
d'esclaves.
Les
marchandises échangées avec les
chefs africains affluaient de toute
l'Europe et de la Méditerranée
(tissus de Flandre et de France, du
blé d'Europe du Nord, des bracelets
de Bavière, des perles en verre, du
vin, des armes blanches, des barres
de fer
Les
Portugais connurent également de
grands succès politiques. En
Afrique, ils établirent des
relations commerciales avec deux
royaumes africains. En 1485, Cão
s'entretint avec Nzinga, le roi du
Kongo. Il revint au Portugal avec
des esclaves et un émissaire. En
1486, Joao Afonso Aveiro entra dans
le royaume du Bénin. Il crut qu'il
était proche de l'Éthiopie, le
royaume du prêtre Jean En Europe, en
1474, le prince réclama et obtint la
propriété de l'Afrique. En 1479, les
Espagnols cessèrent leurs
expéditions vers l'Afrique. Ils
reconnaissaient le monopole
portugais. Cependant, il y eut un
échec politique. En 1486, les
Portugais aidèrent le roi Bemoin au
Sénégal. Mais il fut déchu et
exécutéL'Oba du Benin finit par
interdire l'exportation de captifs.
Pour le cuivre, les Portugais se
fournissaient au Congo
L'asiento
Incapable
de fournir suffisamment d'esclaves à
ses colonies en raison du traité de
Tordesillas entre l'Espagne et le
Portugal, l'Espagne mit en place un
asiento, privilège par lequel le
bénéficiaire s'engageait à fournir
un certain nombre d'esclaves aux
colonies espagnoles. En retour, il
se trouvait en situation de
monopole : l'Espagne
s'engageait à ce que l'empire
achetât des captifs uniquement aux
détenteurs de l'asiento. L'asiento
fut ainsi octroyé tour à tour aux
Portugais, puis aux Génois (et à
leur Compagnie des Grilles), aux
Hollandais, à la Compagnie française
de Guinée, ou encore aux Anglais.
Vinrent
ensuite les Hollandais, les Anglais
et les Français. Ils traitaient
notamment avec les Africains de la
gomme, de l'or, du poivre de
malaguette, de l'ivoire... et des
esclaves.
Cependant,
malgré les bulles pontificales, des
Français et des Anglais firent
quelques expéditions sur les côtes
de l'Afrique, au grand désespoir des
Portugais.
Une
lente structuration de l'offre sur
les côtes africaines
La
traite sur les côtes africaines
s'est très lentement structurée.
Vers
1475, les Portugais achetaient des
esclaves dans le golfe du Bénin. Les
Ijos et les Itsekiris se livraient
alors à cette traite. Les esclaves
qu'ils traitaient, étaient soit
achetés à l'intérieur des terres,
soit des criminels condamnés. Une
partie des esclaves était acheminée
à Elmina. Ils étaient vendus à
d'autres Africains contre de l'or
À
partir de 1486, les Portugais
commencèrent à traiter avec le
royaume du Bénin. En 1530, le
royaume du Benin émit des réserves
sur la traite des esclaves et, vers
1550, l'Oba du Benin interdit la
traite.
En
1485, les Portugais achetèrent les
premiers esclaves au Congo. Vers
1550, le Congo devint la principale
zone de traite. Mais la demande
portugaise en captifs était si
élevée que le monarque fut vite
dépassé. D'autres peuples
s'entendirent pour satisfaire cette
demande (les Pangu à Lungu, le
peuple Tio). De 1 000 esclaves
déportés en 1500, il y en avait
entre 4 000 et 5 000 qui
étaient déportés annuellement du
Congo à partir de 1530L'Angola (ou
Ndongo) fournissait également des
esclaves aux Portugais. Dès 1550,
les rois du Congo et de l'Angola se
contestaient la suprématie dans la
fourniture de captifs aux Portugais
Vers 1553, un nouvel État africain
livre des esclaves. Il s'agit de la
monarchie d'Ode Itsekiri sur le
Forcados (près du royaume du
Bénin)Au début du XVIIe siècle,
de nombreux villages de pêcheurs sur
l'estuaire du Niger devinrent des
villes autonomes avec d'importants
marchés aux esclaves. Certaines de
ces villes finirent par devenir de
puissantes monarchies : Bonny,
New Calabar, Warri, Bell Town et
Akwa Town au Cameroun ; et il y
avait de puissantes républiques
commerçantes, comme Old Calabar et
Brass
Une
lente structuration de la
demande aux Amériques
Très
lentement, les esclaves noirs
commencèrent à peupler les nouvelles
possessions impériales espagnoles.
Le phénomène fut graduel, discret,
riche en faux départs. Ainsi un
décret de 1501 interdisait les
déportations aux Indes d'esclaves
nés en Espagne, ainsi que des Juifs,
de Maures et de « nouveaux
chrétiens », c'est-à-dire des
Juifs convertis. Cependant, certains
marchands et capitaines obtinrent
l'autorisation privée d'emmener aux
Indes quelques esclaves noirs
Le début de la Traite d'esclaves
vers les Amériques ne commença que
le 22 janvier 1510, quand le roi
Ferdinand donna la permission
d'envoyer cinquante esclaves sur
Hispaniola pour l'exploitation des
mines. Ces esclaves devaient être
« les esclaves les meilleurs et
les plus forts qui se puissent
trouver ». Il est certain qu'il
songeait alors aux Noirs. Quant aux
Indiens, ils ne résistaient pas aux
mauvais traitements dans les champs
et les mines (et surtout aux
épidémies de variole). En 1510, il
n'en restait plus que 25 000
sur Hispaniola
Jusqu'en 1550, la plupart des
captifs africains étaient destinés à
la péninsule Ibérique, à Madère, à
Sao Tome et à Principe. À partir de
1550, la demande espagnole pour
l'Amérique décollaTho
45. Les esclaves étaient
alors pêcheurs de perles à la
Nouvelle-Grenade, débardeurs à
Veracruz, dans les mines d'argent de
Zacatecas, dans les mines d'or du
Honduras, du Venezuela et du Pérou,
vachers dans la région de la Plata.
D'autres étaient forgerons,
tailleurs, charpentiers et
domestiques. Les esclaves femmes
servaient de femme de chambre, de
maîtresse, de nourrice ou de
prostituée. On prenait l'habitude de
leur confier les tâches les plus
ingrates
Au Nord-Est du Brésil, dans les
capitaineries de Pernambouc et de
Bahia, les premières plantations
sucrières virent le jour sur le sol
américain La demande en travail
servile explosa. Les Portugais
avaient alors à leur disposition les
Indiens. Mais la persévérance de
Bartolomé de Las Casas et d'autres
dominicains finirent par rendre
l'asservissement des Indiens
illicite De plus, l'épidémie de
dysenterie associée à la grippe
avaient décimé la population
indienne au Brésil dans les années
1560. Enfin les planteurs n'étaient
pas satisfaits du travail des
Indiens. Ceux-ci ne résistaient pas
aux mauvais traitements qui leur
étaient infligés et surtout aux
épidémies. Pour toutes ces raisons,
la demande d'esclaves noirs en
provenance du Congo et de l'Angola
se raffermit. De 2 000 à
3 000, en 1570, la population
noire du Brésil s'élevait à
15 000 en 1600. Le quotidien de
ces esclaves était très dur. Leur
espérance de vie était d'environ dix
ans. Il fallait donc sans cesse de
nouveaux arrivages d'Angola et du
Congo. Le Brésil devenait le
principal fournisseur en sucre de
l'Europe
Dans
le premier quart du XVIIe siècle,
le nombre total d'esclaves déportés
d'Afrique devait approcher les
200 000, dont 100 000
allèrent au Brésil, plus de
75 000 en Amérique espagnole,
12 500 à São Tomé et quelques
centaines en Europe
Le
nombre d'esclaves africains
travaillant alors dans les colonies
antillaises était alors relativement
faible. À la Guadeloupe, en 1671,
47 % des maîtres n'avaient
qu'un seul esclave. Dans les
premiers temps, dans les treize
colonies anglaises, serviteurs,
blancs et noirs, travaillaient côte
à côte, dans le cadre de petites
exploitations. Inversement dans les
îles françaises, les engagés blancs
étaient alors durement traités
Le grand
virage franco-anglais de 1674
L'année
1674 est celle du grand virage pour
l'esclavage. Jusque-là, depuis des
siècles, des Africains sont emmenés
à travers le Sahara vers le monde
arabe, où ils deviennent
domestiques. Le long et coûteux
voyage, tout comme la demande
modeste limitent le prélèvement
annuel sur les populations
africaines.
Les
planteurs de sucre espagnols du
Venezuela et portugais du Brésil
achètent aussi des esclaves mais en
quantité limitée, car le transport,
par le système de l'Asiento, est le
monopole des marchands hollandais,
qui se limitent aux expéditions les
plus rentables. Le sucre est encore
cher sur le marché mondial ce qui
empêche sa commercialisation à
grande échelle.
La
donne change quand le commerce
triangulaire prend son essor à
partir de 1674, l'année où les
Français et les Anglais commencent à
disputer aux hollandais le monopole
du transport des esclaves de la côte
africaine vers les Amériques, où
deux grandes îles, la Jamaïque et
Saint-Domingue et trois petites, la
Martinique, la Guadeloupe et la
Barbade deviennent la principale
zone mondiale d'importation des
esclaves.
Le
futur roi d'Angleterre Jacques
Stuart crée en 1672 la Compagnie
royale d'Afrique tandis que son
cousin français Louis XIV fonde la
Compagnie du Sénégal la même année
et dissout la Compagnie des Indes de
Colbert, l'une des premières
compagnies coloniales françaises, à
qui il reproche son incapacité à
importer des esclaves. Louis XIV
devient en 1674 un monarque absolu.
Il prend ses distances avec Colbert
et tombe amoureux de la Marquise de
Maintenon, issue de la Martinique,
qui achète le château de Maintenon à
Charles François d'Angennes, un
flibustier devenant en 1678 le plus
riche planteur de Martinique.
L'arrivée
des Français et des Anglais en 1674
sur les côtes d'Afrique fait
brutalement monter le prix des
esclaves, entraînant le
développement de nouveaux circuits
d'approvisionnement à l'intérieur du
continent, qui affaiblissent les
sociétés africaines traditionnelles.
L'arrivée
en masse de nouveaux esclaves aux
Antilles fait parallèlement baisser
leur prix d'achat par les planteurs
de canne à sucre, tandis que la
production de sucre progresse très
vite, ce qui a pour effet d'abaisser
le prix de cette denrée sur le
marché mondial, et de favoriser sa
consommation en Europe.
Pour
laisser la voie libre aux planteurs
de sucre, Jacques II et Louis XIV
tentent d'évincer les petits
planteurs de tabac de la Barbade et
de Saint-Domingue, par ailleurs
soupçonnés de collusion avec les
flibustiers. En France, la ferme du
tabac est un monopole créé en 1674.
Le prix d'achat aux planteurs est
abaissé et le prix de vente au
contraire relevé. Du coup, la
production est découragée et la
plupart des consommateurs préfèrent
s'approvisionner en tabac de
Virginie et du Maryland, où Jacques
II vient justement d'octroyer à des
aristocrates catholiques des terres
pour créer d'immenses plantations de
tabac qui fonctionnent, elles, à
base d'esclaves.
Deuxième étape,
du milieu du XVIIe siècle
au début du XIXe siècle
La traite atlantique
ne prit véritablement son essor qu'à
partir du dernier tiers du XVIIe siècle
Au
total, 90 % de cette traite a
eu lieu après 1672 et la création en
Angleterre de la Compagnie royale
d'Afrique, qui a surtout
approvisionné la Jamaïque et en
France de la Compagnie du Sénégal
pour alimenter l'île de
Saint-Domingue.
L'accroissement
de l'activité négrière européenne
Trois
phénomènes concurrencèrent à
accélérer la demande des négriers
européens : des produits se
firent plus rares (l'or et l'ivoire)
ou étaient concurrencés (le poivre
de malaguette par les épices des
Indes) ; la canne à sucre était
mise en production au Brésil et dans
les Antilles ; le choix
d'esclaves africains s'imposa aux
exploiteurs
Au
milieu du XVIIe siècle,
la Compagnie néerlandaise des
Indes occidentales (ou W.I.C.)
était toute puissante. Les
Hollandais s'étaient implantés au
Brésil et ils avaient enlevé Elmina.
Leur position sur la traite fut
renforcée par différents
accords : l'asiento en 1662,
puis l'accord entre l'Espagne et la
firme Coijmans d'Amsterdam en 1685
et celui signé avec les assientis de
la compagnie portugaise de Cacheu en
1699. Mais cette toute puissance ne
dura pas. Ils furent supplantés par
les Anglais et les Français. Le
monopole de la W.I.C. pour le
commerce avec l'Afrique dura
jusqu'en 1730, et celui pour la
traite jusqu'en 1738. Avec
l'ouverture au commerce libre, le
nombre de captifs déportés par les
Hollandais augmenta. Entre 1751 et
1775, le nombre de déportés s'éleva
à 148 000.
- L'Angleterre
/ La Grande-Bretagne
Visage africain d'un mascaron de
la Place de la Bourse à Bordeaux
17
ports français participèrent à 3317
expéditions négrières. Nantes fut le
principal port négrier français à
partir du quai de la Fosse. 1427
expéditions y furent armées, soit
42 % de la traite française.
D'autres ports armèrent de nombreux
négriers : La Rochelle (427),
Le Havre (399) et Bordeaux (393). Et
il y eut aussi Saint-Malo (216),
Lorient (156), Honfleur (125),
Marseille (82), Dunkerque (44),
Rochefort (20), Vannes (12), Bayonne
(9), Brest (7).
Le
démarrage de la traite française fut
tardif. Bordeaux en 1672, Nantes et
Saint-Malo en 1688 expédiaient leurs
premiers négriers. Avant 1692, 42
négriers étaient partis de La
Rochelle. Entre 1745 et 1747, il y
eut en moyenne 34 expéditions
négrières par an. Entre 1763 et
1778, il y en a eu 51 par an. Entre
1783 et 1792, il y en a eu 101 par
an.
Une
relative concentration de l'offre
africaine
Du milieu du XVIIe siècle
au début du XIXe siècle,
la traite entre Européens et
Africains se mit en place sur toutes
les côtes africaines :
- sur la côte sénégambienne, les
Français, les Britanniques et les
Portugais commercèrent avec les
Ouolofs, les Sérères, les Manden,
les Dyulas, les Balantes et les
Felupes.
- Sur les côtes des rivières du
sud, les Portugais traitèrent avec
les Lançados, les Bijagos, les
Kokoli, les Nalu, les Sosoe, les
Baya et les Tyapi.
- Sur les côtes de Sierra Leone,
les Britanniques commercèrent avec
les Bulu, les Sherbo, les Krim,
les Temne, les Kono, les Morodugu
et les Vaï.
- La côte des dents renfermait
quelques foyers négriers
- Sur la côte de l'or et la côte
des Esclaves, les Européens
s'implantent dans des forteresses
mais leur influence est soumise à
l'autorité africaine d'États
côtiers très puissants (Nzima,
Akan, Fante, Ewe, Ge, Huéd, Hula,
Fon, Yoruba).
- La côte béninienne et l'orient
du delta du Niger. L'autorité
était purement africaine, soit
sous la forme monarchique, soit
sous celle qu'on a nommé
« Cités-États ». La
population était Yoruba et Ibo. On
y trouvait de nombreuses ethnies
minoritaires comme les Ijo, les
Ibibios, les Efik, les Aro, les
Ekoi, les Efut.
- La côte du Gabon, sous autorité
africaine, de peuplement Mpongwè.
- La côte du Loango, sous royauté
africaine, de peuplement Vili.
- La côte de l'Angola, sous
autorité coloniale portugaise et
autorité locale africaine, dont
les principaux peuplements étaient
Mbundu et Jaga.
L'offre africaine était cependant
relativement concentrée au XVIIIe siècle :
dans le golfe du Guinée, il y avait
la Côte-de-l'Or et la côte des
Esclaves ; en Afrique centrale,
les trois quarts des captifs étaient
vendus entre Cabinda et Luanda, un
espace côtier long de 300
miles ; des sites côtiers comme
Ouidah.
Développement
Au
siècle des Lumières, la demande de
produits américains en Europe
occidentale connaît une croissance
très forte : ce fut le cas par
exemple du sucre, notamment celui de
la colonie de Saint-Domingue, dont
la production fut intensifiée par
l'emploi d'environ 550 000
esclaves au XVIIIe siècle.
La consommation de sucre, qui était
quasiment nulle au XVIe siècle,
était passée à 4 kilogrammes par
personne et par an à la fin du XVIIIe siècle5. Ces
besoins nouveaux avaient entraîné la
création de nouvelles plantations et
l'apport d'une main d'œuvre toujours
plus importante qui n'existait pas
sur place.
Le
Brésil avait été la première
destination des navires
négriers : au total, plus de
40 % des déportés du commerce
triangulaire y furent transportés
Troisième
étape, le XIXe siècle
La
demande occidentale, entre
résistance et déclin
La traite négrière occidentale
avait amorcé un déclin à partir du
début du XIXe siècle.
Cependant, la traite restait très
dynamique jusqu'en 1850, date à
laquelle ce trafic se réduisit
fortement pour s'arrêter en 1867.
Sur le XIXe siècle,
l'activité négrière occidentale
change de nature. Après avoir été
monopolisée, puis libéralisée par
les États, l'activité négrière
devenait illégale.
Le
16 mars 1792 une ordonnance du Roi
du Danemark et de Norvège prévoit
l'interdiction de la traite négrière
pour les sujets de son royaume et
l'interdiction de l'importation
d'esclaves sur son territoire à
compter de 18037. En
1807, les Britanniques interdirent
la traite. Les autres États
européens suivirent le même chemin,
mais ils n'étaient pas pressés de le
faire. Et quand ces États
interdirent la traite, leurs
ressortissants négriers continuèrent
dans l'illégalité. Évidemment ces
décisions étaient prises sans aucune
concertation avec les royaumes
africains. Ces derniers continuèrent
à faire des esclaves pour leur
propre compte. Face à l'interdiction
de la traite, des Européens
souhaitèrent s'implanter en Afrique
pour mettre en place des systèmes de
plantations similaires à ceux des
Amériques. Au Sénégal, Faidherbe
lutta contre ces projets.
En
1807, les États-Unis et le
Royaume-Uni abolissaient
officiellement la traite des Noirs.
Les autres nations européennes
prenaient le même chemin avec le
Congrès de Vienne de 1815. Cependant
la traite fut poursuivie durant des
dizaines d'années de façon
clandestine. Le dernier envoi
clandestin connu d'esclaves du
Mozambique au Brésil eut lieu en
1862.
En
France, après 1815, la traite
illégale se poursuivit avec
l'assentiment tacite des autorités.
Elle était présentée comme un moyen
de résister aux Britanniques
soupçonnés de vouloir affaiblir
l'économie nationale. Il fallut
attendre les années 1820 pour voir
la marine royale française lutter
efficacement contre les trafiquants.
En
fait c'est l'abolition de
l'esclavage (en 1833 en Grande
Bretagne et en 1848 en France) qui
mit un terme définitif à la traite
négrière pour les Britanniques et
les Français. (Par contre
l'esclavage a continué d'exister au
Brésil jusqu'en 1888 ).
Une offre africaine
toujours concentrée En
Haute Guinée et en Sénégambie
(5 000 captifs par an
jusqu'en 1850), le trafic s'était
concentré dans la région de
Gallinas. Lagos et Ouidah
vendaient 60 % des captifs
exportés de la baie du Bénin
(10 000 captifs par an
jusqu'en 1850). Dans la baie de
Biaffra 9 à 12 000 captifs
par an jusqu'en 1840. Les ventes
s'effectuaient surtout à Bonny et
aux deux Calabar. Le Congo et
l'Angola vendaient 48 % des
captifs de la traite atlantique du
XIXe siècle.
Ces ventes s'effectuaient à
Loango, Cabinda, Ambriz, pour le
Congo, et à Luanda et Benguela,
pour l'Angola
Poursuite
par l'engagisme Forme
déguisée de la traite lorsqu'elle
affranchissait, une fois achetés
et sur le bateau, des noirs
réduits en esclavage sur la côte
d'ivoire, l'engagisme dans sa
première forme fut tellement
décrié comme perpétuation du
commerce triangulaire qu'il fut
presque aussitôt aboli.
La seconde tentative de
faire venir des coolies chinois
dans les Caraïbes fut également un
échec ; cette fois pas parce
qu'ils fussent esclaves déguisés,
mais parce que les maîtres des
plantations trouvaient que ces
serviteurs engagés renâclaient à
la besogne.
La troisième tentative
fut un tel succès qu'elle apporta
le troisième peuplement exogène
des Caraïbes. Il s'agissait des
Indiens du sous-continent, en
majorité provenant de l'Empire
britannique des Indes, mais
également d'autres passant par les
comptoirs français de Chandernagor
et Pondichéry.
Nombre
de déportés des traites
occidentales Des
statistiques de plus en plus
précises
Dans Les Traites
négrières, Essai d'histoire
globale, Olivier
Pétré-Grenouilleau écrit
« Il a fallu
attendre 1969 et la
publication du fameux The
Atlantic Slave Trade. A
census, de Philip D.
Curtin, pour que l'histoire
quantitative de la traite par
l'Atlantique sorte
véritablement des brumes de
l'imaginaire. Ce que les
historiens anglo-saxons
appellent le « jeu des
nombres » débutait alors.
Pour la première fois, les
travaux portant sur la
question étaient passés au
crible de l'analyse critique
historique. L'étude de Curtin
venait à un moment où
l'histoire de la traite des
Noirs prenait son envol.
C'était également l'époque où
la New Economic History
commençait à s'affirmer dans
le monde anglo-saxon. Une
histoire empruntant à
l'économétrie qui a, de suite,
trouvé dans la traite par
l'Atlantique un formidable
levier. Les résultats du Census,
de Curtin, ont donc été
immédiatement à l'origine de
vastes débats, contribuant à
impulser de très nombreuses
recherches. En 1999, un CD-Rom
était publié recensant 27 233
expéditions négrières,
réalisées entre 1595 et 1866
Reprises et commentées par
Herbert S. Klein, dans un
livre sorti la même année,
complétées par David Eltis,
dans un article paru en 2001,
ces données seront encore
affinées, lors de la
publication d'un nouveau Census,
annoncée par Steven Behrent,
David Eltis et David
Richardson. Tout cela fait du
trafic atlantique la traite
aujourd'hui la mieux connue,
d'un point de vue statistique.
Aucune autre migration humaine
de l'histoire -forcée ou non -
n'a sans doute été étudiée
avec un tel luxe de
détails. »
« Il n'y a
certes pas d'accord total sur
les chiffres. Ainsi bien
qu'ayant révisé ses
estimations à la baisse,
Joseph Inikori indiquait en
2002, qu'environ
12 700 000 Africains
avaient été déportés à travers
l'Atlantique. Cependant, un
consensus général se dessine,
confirmant les analyses
d'ensemble de Curtin quant au
volume global de la traite,
tout en les nuançant dans le
détail, c'est-à-dire dans ses
rythmes. Selon lui, 9,5
millions d'Africains auraient
été introduits dans les
différentes colonies du
Nouveau-Monde et, compte tenu
de la mortalité au cours du middle
passage, 11 millions,
environ, seraient partis
d'Afrique. Lors d'un colloque
tenu à Nantes en 1985,
Catherine Coquery-Vidrovitch
annonçait que
11 698 000 Africains
auraient été déportés,
ajoutant par ailleurs que ce
que l'on sait sur l'état des
marines européennes de
l'époque moderne ne permet
guère de penser que ce chiffre
aurait pu être dépassé En
2001, Eltis arrivait à un
total de
11 062 000
déportés et de
9 599 000 esclaves
introduits dans les
Amériques entre 1519 et 1867
Ce sont ces dernières données
utilisées ici. Elles ont été
élaborées à partir de sources
de première main extrêmement
variées, puisées dans les
trois continents ayant été
impliqués par la traite par
l'Atlantique. »
En décembre 2008, David
Eltis lance la plus large base de
données consacrée à la traite
négrière atlantique : The
Trans-Atlantic Slave Trade
Database, elle fait état de
12 521 336 déportés
entre 1501 et 1866
Rythme
de la traite par l'Atlantique
|
Nombre de captifs en
milliers |
Pourcentage |
Entre 1519 et 1600 |
266,1 |
2,4 % |
Entre 1601 et 1650 |
503,5 |
4,6 % |
Entre 1651 et 1675 |
239,8 |
2,2 % |
Entre 1676 et 1700 |
509,5 |
4,6 % |
Entre 1701 et 1725 |
958,6 |
8,7 % |
Entre 1726 et 1750 |
1 311,3 |
11,9 % |
Entre 1751 et 1775 |
1 905,2 |
17,2 % |
Entre 1776 et 1800 |
1 921,1 |
17,4 % |
Entre 1801 et 1825 |
1 610,6 |
14,6 % |
Entre 1826 et 1850 |
1 604,5 |
14,5 % |
Entre 1851 et 1867 |
231,7 |
2,1 % |
Total |
11 061,8 |
Le
pic fut atteint entre 1751 et 1800
avec une moyenne de 76 000
départs par an En prenant en compte
l'évolution du taux de croissance,
certaines nuances apparaissent.
Ainsi, si entre la fin du XVe siècle
et le début du XVIe siècle,
le rythme d'accroissement moyen
annuel de la traite était de
3,3 %, il se stabilisa autour
des 2,2 % entre 1500 et 1700,
pour ensuite ne progresser que de
0,7 % pendant les quarante
premières années de du XVIIIe siècle.
Il y a ensuite stabilisation puis le
recul s'observa à partir de 1790. Le
XVIIIe siècle
peut donc être coupé en deux :
la première partie enregistrant une
constante progression quoique
ralentie ; la seconde se
caractérisant par une stabilisation
puis par le déclin
Régions
de départ des esclaves de la
traite atlantique
|
Afrique centrale |
Baie du Bénin |
Baie du Biafra |
Côte de l'Or |
Haute Guinée |
Séné- gambie |
Afrique de l'Est |
---Total--- |
Entre 1519 et 1675 |
787,4 (78,0 %) |
35,0 (3,5 %) |
94,8 (9,4 %) |
51,3 (5,1 %) |
2,0 (0,2 %) |
34,8 (3,5 %) |
3,2 (0,3 %) |
1 009,0 |
Entre 1676 et 1800 |
2 473,8 (37,4 %) |
1 453,4 (22,0 %) |
963,8 (14,6 %) |
922,9 (14,0 %) |
367,8 (5,6 %) |
349,1 (5,3 %) |
75,2 (1,1 %) |
6 606,0 |
Entre 1801 et 1867 |
1 626,4 (47,1 %) |
546,5 (15,9 %) |
459,1 (13,3 %) |
69,0 (2,0 %) |
225,2 (6,6 %) |
114,5 (3,3 %) |
406,1 (11,8 %) |
3 446,8 |
Tota |
4 887,6 |
2 034,9 |
1 517,7 |
1 043,2 |
595,5 |
498,4 |
484,5 |
11 061,8 |
Pourcentage |
44,18 % |
18,4 % |
13,8 % |
9,43 % |
5,38 % |
4,5 % |
4,38 % |
100 % |
Nombre de captifs par milliers
Principales
régions d'arrivée des esclaves
|
Brésil |
Antilles britanniques |
Antilles françaises |
Amérique britannique
continentale |
Amérique espagnole
continentale |
Antilles espagnoles |
Antilles néerlandaise |
Guyane |
---Total--- |
Entre 1519 et 1675 |
273,1 |
117,7 |
8,5 |
2,3 |
339,3 |
0 |
40,8 |
8,2 |
789,93 |
Entre 1676 et 1800 |
1 854,3 |
1 990,5 |
1 005,9 |
285,3 |
64,9 |
73,6 |
88,9 |
318,9 |
5 682,3 |
Entre 1801 et 1867 |
1 774,8 |
130,0 |
78,3 |
73,4 |
26,2 |
718,3 |
0 |
76,6 |
2 877,6 |
Total |
3 902,2 |
2 238,2 |
1 092,7 |
361,0 |
430,4 |
791,9 |
129,7 |
403,7 |
9 349,83 |
Nombre de captifs par milliers
Nombre
de déportés par pays européen
|
Portugal |
Angleterre / Grande-Bretagne |
France |
Provinces Unies |
Espagne |
États-Unis |
Danemark |
---Total--- |
Entre 1519 et 1675 |
757,3 |
140,2 |
5,9 |
105,8 |
0 |
0 |
0,2 |
1 009,4 |
Entre 1676 et 1800 |
2 044,1 |
2 715 |
1 135,3 |
419,6 |
9,6 |
198,9 |
83,5 |
6 606 |
Entre 1801 et 1867 |
2 273,5 |
257 |
315,2 |
2,3 |
507,4 |
81,1 |
10,5 |
3 447 |
Total |
5 070,9 |
3 112,2 |
1 456,4 |
527,7 |
517 |
280 |
94,2 |
11 062,4 |
En pourcentage |
45,8 % |
28,1 % |
13,2 % |
4,8 % |
4,7 % |
2,5 % |
0,9 % |
100,0 % |
Nombre de captifs par milliers
Aspects
économiques
Le
quart du trafic contrôlé par
4 % des familles négrières
Selon l'historien Robert Stein, à
Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le
Havre et Saint-Malo, 550 familles
arment au total 2 800 navires pour
l’Afrique au XVIIIe siècle.
Parmi elles, 22 (soit 4 % de
l’ensemble) réalisent ¼ de
l’armement. La large étude des
associés et l’émergence d’une élite
managériale étaient les réponses
rationnelles au caractère risqué du
trafic négrier, et ce quel que soit
le lieu
Les membres de cette aristocratie
négrière occupent souvent le haut du
pavé. Au XVIIIe siècle,
dans les grands ports européens, ils
fournissent en notables le négoce et
les institutions. Présents dans les
sociétés ou cercles culturels, ils
affichent leur réussite à travers
les façades de leurs hôtels
particuliers, leurs propriétés
rurales et leur style de vie. Leur
aisance, leur influence, leur
prestige et leur capacité à
mobiliser plusieurs types de
« capitaux » (économiques,
culturels, symboliques, politiques…)
peuvent leur ouvrir les portes du
pouvoir. La plupart des maires de la
Restauration (1815-1830) ont été des
négriers illégaux notoires. Par
l’intermédiaire de parents,
d’alliés, d’amis, ces hommes
infiltrent les sphères nationales du
pouvoir, formant des lobbys.
Un
trafic à la rentabilité aléatoire
La rentabilité en moyenne au
plus fort de la traite
L'idée que les bénéfices des
navires négriers étaient
extraordinaires, nettement
supérieurs à 100 %, enflamma
l'imaginaire de plusieurs
générations. Pourtant de récents
travaux sur la rentabilité de la
traite occidentale tendent à montrer
que les profits étaient très loin
d'être faramineux :
- Selon
W.Unger, les actionnaires
hollandais de la Midelburgsche
commercie Compagnie ne retirèrent
qu'un profit moyen annuel de
2,1 % entre 1730 et 1790
- Selon
J. Postman, sur la traite
hollandaise (entre 1600 et 1815),
les gains étaient de l'ordre de 5
à 10 % pour 54 % des
expéditions. Même la traite libre
connaissait des pertes.
- Pour
J. Meyer, les gains pour les
Nantais se situaient entre 4 et
10 %.
- Selon
D. Richardson, W. Davenport,
négrier de Liverpool, aurait
obtenu un revenu moyen annuel de
10,5 % sur 67 expéditions
entre 1757 et 1785
a cette époque, les
placements classiques rapportaient
entre 4 et 6 %.
- A
Bristol, les profits des
expéditions négrières étaient de
7,6 % entre 1770 et 1792.
- Pour
R. Anstey, la rentabilité de la
traite britannique s'élevait à
10,2 % entre 1761 et 1807. La
traite britannique était la plus
rentable parce que le système
bancaire britannique assurait une
plus grande rotation des capitaux
et une meilleure rentrée des
créances coloniales (Colonial Debt
Act de 1732). De plus, le coût des
marchandises de traite était moins
élevé et le nombre de marins sur
un bâtiment britannique était
moins important que sur un
bâtiment français.
- Pour
Stephen Berhent, les profits de la
traite britannique tournaient
autour de 7,1-7,5 % entre
1785 et 1807.
"Une sorte de loterie où chacun
espère rafler la mise"
Les chiffres présentés ci-dessus ne
sont que des moyennes et, à ce
titre, ils doivent être fortement
nuancés. Tous les travaux se
rejoignent pour indiquer une très
grande irrégularité des profits, à
l'origine de réussites
spectaculaires et de retentissantes
faillites :
- 18
des 67 expéditions de W. Davenport
sont déficitaires.
- Selon
R. Stein, entre 1784 et 1786, la
rentabilité des expéditions
nantaises oscille entre -42 %
et + 57 %.
- En
1783, l'expédition négrière
nantaise de la Jeune-Aimée
rapporta un profit de 135 %
- A
Bristol, un armateur qui organisa
30 expéditions de traite fit
banqueroute en 1726
La rentabilité de la traite
indépendante au XVIIIe siècle
Sur la traite indépendante, les
dangers étaient multipliés mais
également les gains potentiels. En
effet, ces trafiquants ne
subissaient pas certains coûts des
compagnies nationales à privilège
(salaires des employés en métropole
et en Afrique).La rentabilité de
la traite au XVIIe siècle
et début XVIIIe siècle
À cette époque, les profits étaient
importants et même des compagnies à
monopole connurent de bonnes
fortunes.
- Ce fut le cas de la Compagnie
royale d'Afrique qui engrangea un
profit moyen de 38 % entre
1680 et 1687 pour 99 traversée
- Au début du XVIIIe siècle,
la Compagnie des mers du Sud
semble avoir fait un profit de
30 % dans sa traite avec
Buenos AiresCependant, Meyer pour
les Français et Unger pour les
Hollandais montrent qu'il y a eu
une baisse de la rentabilité sur
le XVIIIe siècle.
Bien que certains facteurs
(standardisation des marchandises
de traite et essor des
manufactures) contribuèrent à
réduire les coûts, d'autres
(concurrence accrue, instabilité
militaire sur les mers,
augmentation considérable de la
valeur des êtres humains en
Afrique..), plus nombreux, avaient
conduit à une baisse de la
rentabilité.
Les profits au XIXe siècle
Ils dépassèrent ceux du siècle
précédent.
- Le Cultivateur, négrier
nantais, rapporta un profit de
83 %.
- Selon Howard, même si les
Britanniques capturaient un bateau
sur deux, le profit était de
100 %
De gros négociants déportant des
esclaves « illégalement »,
que ce soit à Cuba ou au Brésil,
auraient fait faillite, a moins
qu'ils n'aient investi dans les
plantations de sucre ou de café. Il
semble également que beaucoup de
négriers aient exagéré leurs profits
à cette époque
La
traite dans les économies
occidentales La
traite, à l'origine du financement
de la révolution
industrielle ?
Pour Karl Marx, les sources de
« l'accumulation
primitive » à l'origine de la
révolution industrielle étaient
l'expropriation paysanne puis la
traite et l'exploitation
esclavagiste. E. Williams en 1944 a
soutenu que la traite, à elle seule,
avait suffi au financement du take-off
britannique. À la suite de très
nombreuses études sur la révolution
industrielle et l'industrialisation
en Europe, cette thèse est
aujourd'hui dépassée :
- selon François Crouzet, les
premiers capitalistes de l'ère
industrielle étaient issus des
strates de la petite et de la
moyenne bourgeoisie et les
capitaux qu'ils avaient à leur
disposition étaient modestes et
facilement empruntables. Ces faits
infirment la thèse d'une
indispensable accumulation du
capital pour expliquer les débuts
de l'industrialisation (mais ce
sont surtout les progrès
techniques qui permirent la
révolution industrielle en
Angleterre (puis sur le
continent) : invention de la
machine à tisser (métier Jacquart)
, de la machine à vapeur, de la
locomotive à vapeur, de la
production d'acier avec des
procédés modernes, de machines
agricoles etc);
- les profits de la traite
n'avaient pas atteint des
sommets ;
- d'autres facteurs, comme l'essor
des campagnes, du commerce
intérieur et la constitution d'un
marché unifié, avaient joué un
rôle déterminant dans le démarrage
de la révolution industrielle
britannique ;
- selon S. Engerman, l'apport du
capital négrier dans la formation
du revenu national était rarement
supérieur à 1 %, le maximum
étant atteint en 1770 avec
1,7 % ;
- R. Anstey estime que la
contribution du trafic négrier
dans la formation du capital
britannique se situa en moyenne
autour de 0,11 % ;
- O. Pétré-Grenouilleau montre que
les négriers nantais, élites
dominantes jusqu'en 1840,
investirent dans la banque et les
assurances, contribuèrent à
l'essor des méthodes de
l'agriculture nouvelle,
s'intéressèrent à la conserverie,
à la construction navale et à la
metallurgie. Il y a eu des
croissances, parfois
spectaculaires, dans certains
secteurs mais Nantes n'a pas connu
de développement économique. En
diversifiant leurs investissements
plutôt que d'investir de manière
réelle et durable, les négriers
nantais comme en Grande-Bretagne
et partout en Europe, étaient des
négociants et non des industriels.
La traite, le débouché
de la production
européenne
Pour P. Boulle, la traite
n'a été « qu'un apport parmi
d'autres au développement »
de la Grande-Bretagne. C'est la
multiplicité de ses marchés et
l'intégration de ses secteurs
économiques" qui fournirent à
l'industrie les moyens de soutenir
son développement. Au début du
siècle, la part de l'Afrique dans
le commerce extérieur n'était que
de 2 %. Sur le XVIIIe siècle,
la traite britannique s'était
fortement accrue (50 % de la
traite négrière) si bien qu'en
1760, 43 % des toiles
exportées étaient à destination de
l'Afrique. Mais l'Amérique et les
Antilles, qui offraient alors un
débouché presque aussi large,
prirent une place de plus en plus
importante au cours du temps.
Quant au marché intérieur, il
devient le principal débouché de
l'industrie britannique après
1750.
En France, la traite (qui
représentait 20 à 25 % du
trafic négrier vers 1750) fit
naître des industries locales.
Mais celles-ci périclitèrent.
Pour les Provinces-Unies,
elles avaient subi l'effet pervers
ou boomerang de leur
réussite commerciale : la
masse et le bon marché des
produits n'y permettaient pas
l'implantation d'industries
nationales.
Rôle de la traite dans
le développement économique
Personne aujourd'hui ne
conteste le rôle primordial de la
traite dans l'extension du système
de la grande plantation, dans
l'essor des productions
coloniales, ainsi que dans
l'accroissement du commerce
international de ces produits. Il
est indéniable que le commerce
international des produits des
colonies était profitable, qu'il
permit une croissance
spectaculaire du trafic maritime
et qu'ils ont été nombreux à y
faire fortune. Mais ce n'est pas la
cause du développement occidental.
- Paul Bairoch montre que
le commerce intra-européen avait
joué un rôle beaucoup plus
important que le commerce
colonial dans l'essor du Vieux
Continent.
- Pour Eltis, la traite constituait
une part si infime du commerce
atlantique des puissances
européennes que, même en
imaginant que les ressources
employés dans la traite
n'auraient pu être employées
ailleurs, sa contribution à la
croissance économique des
puissances européennes aurait
été insignifiante. Lorsque
la traite britannique fut à son
maximum cela ne dépassait pas
les 1,5 % des navires la
flotte britannique et les
3 % de son tonnage. Quant
au produit brut des colonies
esclavagistes britanniques, il
n'était guère plus élevé en 1700
que celui d'un petit comté
britannique, et il correspondait
à peine à celui d'un comté un
peu plus riche en 1800. Il
disait même « la taille et
la complexité de l'économie
britannique au début du XIXe siècle
suggère l'insignifiance, et non
l'importance du sucre. La
croissance d'aucune économie ne
peut en effet, quel que soit le
lieu, dépendre d'une seule
industrie »Petre 46.
Eltis en conclut que la
Grande-Bretagne aurait pu
connaître un important
développement économique en
l'absence de ses relations avec
l'Afrique et avec l'Amérique.
- Pour la France,
l'interruption de la traite
(entre 1792 et 1802, puis entre
1803 et 1815) n'a pas provoqué
un arrêt de l'économie
française.
- Les origines de la
révolution industrielle sont
lointaines et globales. Certains
historiens n'hésitent pas à les
faire remonter au Moyen Âge.
Ainsi les marchés intérieurs
européens et la formation
précoce d'un marché national
unifié en Grande-Bretagne
(progrès des transports et
petite taille du pays) ont joué
un rôle important. La relative
pénurie de main d'œuvre a pu
pousser la Grande-Bretagne a
créé des machines.
- L'importance du
commerce colonial dans le
commerce total, si elle avait
été spectaculaire au cours du XVIIIe siècle,
doit être nuancée. En France, la
croissance avait été réelle
entre 1716-1736 et 1748. À la
fin du XVIIIe siècle,
la croissance du commerce
extérieur français s'explique
par la flambée des prix des
produits coloniaux alors que les
prix des autres produits
reculent. Ensuite, une grande
partie des produits coloniaux
était immédiatement réexportée
sans avoir été transformée (de
17,7 % en 1716, elle était
de 33 % en 1787). La
« colonisation » de
l'économie française conduit à
un trafic peu
« productif ». Ce
commerce profitait aux
négociants, aux différents
intermédiaires et à l'État.
Il faut également remarquer que la
'valeur ajoutée ' de cette activité
servile était finalement
faible : à part la production
de sucre (facilement remplaçable, à
l'époque, par la production de miel)
et de tabac (pas vraiment utile pour
la vie des gens de l'époque) , cette
activité ne générait que peu de
bénéfices (par rapport aux autres
activités en Europe) , surtout si
l'on considère les investissements
coûteux pour y arriver :
construction de navires, embauche
d'équipage, fabrication de viande ou
poisson salés en quantité etc.
Autres aspects
La
position de la papauté
L'omniprésence des Portugais le
long des côtes africaines de
l'Atlantique durant cette période
s'explique aussi par la politique
des papes à l'égard de
l'Afrique :
- En
1442, le pape Eugène IV, par la
bulle pontificale, Illius qui
approuva les expéditions du prince
Henri le Navigateur en Afrique
- Puis
le pape Nicolas V publia deux
bulles, Dum diversas et Romanus
pontifex
- La première
bulle, 1452, donna toute
latitude aux Portugais pour
attaquer, conquérir et
soumettre les Sarrasins,
païens et autres incroyants.
L'emploi très fréquent du
terme Sarrasin montre combien
il était préoccupé de la
situation en Méditerranée.
Sans doute le but était-il de
faire diversion et d'allumer
des contre-feux pour éviter la
chute de Constantinople, ce
qui arriva l'année suivante.
- La seconde
bulle, du
8 janvier 1454,
approuva ce que les Portugais
avaient entrepris et
accueillit avec grand
enthousiasme tant les
découvertes que les
installations en Afrique,
encouragea les rois à
convertir au christianisme les
populations locales et donna
son approbation expresse au
monopole commerciale des
Portugais en Afrique. Les
conquêtes au sud du cap
Bojador seraient à jamais
portugaises. Il en était de
même de « toute la côte
de Guinée, incluant les
Indes » (ce nom désignant
alors à peu près tous les
territoires censés se situer
sur la route de la Chine).
- Enfin,
son successeur, Calixte III,
publia la bulle Inter caetera
en mars 1456
Les
Portugais obtinrent également du
pape qu'il déclare que le Portugal
avait conquis l'Afrique jusqu'à la
Guinée. Fort de ces bulles, les
Portugais n'hésitèrent pas à
arraisonner tout bateau qui se
trouvait sur les côtes africaines et
à pendre l'équipage (surtout des
Espagnols)
Toutes
ces fameuses bulles approuvant les
expéditions portugaises avaient été
promulguées parce que la papauté
estimait nécessaire d'agir avec
vigueur contre l'islam qui semblait
menacer, après la chute de
Constantinople, l'Italie elle-même,
autant que l'Europe centrale.
Calixte III déploya maints efforts
pour mettre sur pieds une ultime
croisade. Les projets du prince
Henri s'inscrivaient dans ce plan
d'ensemble En 1494, par le traité de
Tordesillas, les zones d'influence
de l'Espagne et du Portugal étaient
délimitées
Quant
à l'esclavage en particulier, en
1435, par la bulle Sicut Dudum,
Eugène IV condamne l'esclavage des
habitants Noirs des îles Canaries.
Sous peine d’excommunication, tout
maître d’esclave a quinze jours à
compter de la réception de la bulle
pour rendre leur liberté
antérieure à toutes et chacune des
personnes de l’un ou l’autre sexe
qui étaient jusque là résidentes
desdites îles Canaries [...] Ces
personnes devaient être totalement
et à jamais libres et devaient
être relâchées sans exaction ni
perception d’aucune somme d’argent.
La
bulle Sublimis Deus de Paul III, du
29 mai 1537, interdit
totalement l'esclavage des Indiens
d'Amérique. Il condamne sans appel
la pratique de l'esclavage, et qu'il
dénonce comme directement inspirée
par l'Ennemi du genre humain,
Satan.
Les
arguments contre l'abolition
- Les
arguments idéologiques
Les
négriers avaient la possibilité de
baptiser l'ensemble des captifs
embarqués en Afrique. Par cet acte,
les Noirs païens qui étaient « voués à
l'enfer éternel »,
selon les missionnaires chrétiens,
avaient une chance d'aller au
paradis. C'étaient donc les
esclaves, selon cet argument, les
grands bénéficiaires de l'opération.
Pour certains hommes, notamment des
hommes d’Église, cet argument était
essentiel
Mesure
de la ponction démographique de la
traite
Il
apparaît très difficile d'évaluer
les effets démographiques de la
traite négrière dont les chiffres
restent hautement contestés. Le
point de départ de tout travail
d'analyse est l'estimation de la
population d'Afrique subsaharienne
au XVIe siècle.
En l'état actuel des connaissances,
l'ampleur des variations des
estimations rend toute conclusion
impossible.
Estimation
de la population d'Afrique
subsaharienne
Auteur
|
Population
|
Période
|
Pétré-Grenouilleau
|
25
millions
|
début du XVIIIe siècle
|
Louise
Diop-Maes
|
600
millions
|
XVIe siècle
|
Paul
Bairoch
|
80
millions
|
XVIe siècle
|
INED,
Histoire du peuplement et
prévisions (2004), p. 201
& 202
|
70 à 90
millions
|
fin XVe siècle
|
Des
chiffres contestés
Certains
auteurs, à l'image de Philip Curtin
ou d'Olivier Pétré-Grenouilleau ont
tenu pour négligeable les effets
démographiques de la traite. Ils
s'appuient pour soutenir cette thèse
sur une estimation du nombre moyen
annuel de déportés africains. Au
plus fort de la traite, entre 1701
et 1800, ils estiment que près de 6
millions de captifs ont été
déportés. Cela correspond à une
moyenne de 60 000 départs par
an, soit 0,3 % d'une population
estimée par Pétré-Grenouilleau à 25
millions d'habitants au début du XVIIIe siècle.
Ce pourcentage restait, selon les
estimations du même auteur, bien
inférieur au taux d'accroissement
qu'aurait alors connu l'Afrique
noire (aux environs de
1 % ?).
Les
partisans de cette thèse considèrent
par ailleurs que « la nature
polygame des sociétés africaines a
sans doute eu pour effet
d’atténuer voire d’annuler en
bonne partie cet éventuel déficit
des naissances consécutif à la
déportation de la population
masculine ». Cet
argument a été vivement attaqué par
les contradicteurs de
Pétré-Grenouilleau : en dehors
du fait qu'il véhicule un stéréotype
raciste qui renvoie les sociétés
africaines à une prétendue
« nature polygame », il
trahit pour ses détracteurs une
méconnaissance du fonctionnement
réel de la polygamie ainsi que des
principes élémentaires de la
démographie. Il n'existe en effet
aucun lien entre natalité et type
d'union matrimoniale. La polygamie,
ou pour être plus précis la
polygynie, ne change en effet rien
au taux de natalité des
femmes : elle peut même avoir
pour conséquence de réduire ce taux,
en instituant un délai d’isolement
après chaque naissance
Pétré-Grenouilleau mentionne aussi
les décès de captifs survenus en
Afrique. Il estime qu'en supposant
qu'il y ait eu autant de décès que
de captifs déportés, cela n'aurait
pu que « localement »
ralentir la croissance démographique
et parfois l'annuler complètement
Louise-Marie
Diop-Maes adopte une toute autre
approche : elle tente de
comparer la population africaine du
XVIe siècle,
c'est-à-dire avant le début de la
traite, avec celle du XIXe siècle
pour estimer les effets globaux que
la traite a pu avoir sur le
développement démographique de
l'Afrique noire. Les sources dont
disposent les historiens pour
effectuer de telles mesures sont
extrêmement lacunaires, en partie à
cause de l'absence d'archives, et
pourraient le rester définitivement.
Diop-Maes s'appuie principalement
sur les récits des voyageurs arabes
pour estimer la taille des villes et
la densité du réseau urbain africain1 :
elle estime que la population était
au XVIe siècle
de l’ordre de six cents millions
(soit une moyenne d’environ trente
habitants au kilomètre carré)
Ces
chiffres constituent, dans l'état
actuel des recherches sur le sujet,
une hypothèse haute. La fourchette
des estimations effectuées jusque-là
variaient entre 25 millions
(hypothèse basse reprise par
Pétré-Grenouilleau) et 100 millions
d'habitants. Louise Diop-Maes estime
par ailleurs la population de
l'Afrique noire des années 1870-1890
à environ deux cents millions
d'individus: l'Afrique noire aurait
connu une réduction de sa population
de quatre-cent millions entre le
milieu du XVIe siècle
et le milieu du XIXe siècle.
Dans l'hypothèse moyenne d'une
stagnation de la population
africaine aux alentours de 100
millions d'habitants, Patrick
Manning avance que la part de la
population d'Afrique noire dans la
population mondiale aurait chuté de
deux tiers entre 1650 et 1850
En
adoptant des méthodes d'évaluation
sensiblement différentes, le
démographe nigérian Joseph E.
Inikori ou l'historien Walter Rodney
ont eux aussi conclu que les effets
démographiques de la traite négrière
avaient été importants. Pour
Inikori, le système économique
africain de l'époque qui différait
sensiblement du modèle européen
n'était pas capable de faire une de
telle perte humaine. Des baisses de
population localisées se sont
transformées en problèmes plus
généraux. Sans parvenir aux chiffres
avancés par Diop-Maes, Inikori
estime que la traite atlantique et
les diverses calamités naturelles
auraient fait 112 millions de
victimes en Afrique noire.
Les
partisans d'un effet démographique
massif mettent l'accent sur les
effets indirects engendrés par la
traite : elle a créé en Afrique
noire un nouveau système
d’organisation économique et sociale
qui s'est progressivement centré sur
l’activité d’esclavage. L'esclave
est devenu la principale monnaie des
individus et des États dans leurs
relations d’échange. Ce système a
conduit à une recrudescence de
guerres, de razzias et de rapts, de
chasse à l’homme permanente qui ont
provoqué l’arrêt des nombreuses
activités productives que
signalaient les voyageurs arabes du
XIe siècle
au XIVe siècle.
Louise Diop-Maes cite le déclin et
la fermeture des prestigieuses
universités de Tombouctou et de
Djenné comme indice des effets
sociaux profonds de
l'intensification de la demande
européenne en esclaves.
Elle
estime que la traite a eu pour
conséquence « l’éparpillement
et l’isolement des populations, d’où
progressivement le déclin des
villes, la réapparition de la vie
sauvage à grande échelle, la
différenciation des mœurs, coutumes,
entraînant l’émergence de nouvelles
langues,
« ethnies » ; d’où
aussi la perte de la mémoire
collective, l’ancrage de l’esprit de
division, la déliquescence sociale
etc. : les individus, les
groupes, les communautés, vont vivre
dans une méfiance excessive et
morbide les uns des autres, chacun
considérant l’autre comme son plus
grand ennemi
Le
cas de la Sénégambie
Les
conclusions générales tirées par
Diop-Maes concordent avec les études
plus localisées réalisées par
William Randles en Angola ou Martin
Klein en Sénégambie. Les études
menées sur cette région de l'Afrique
à l'époque pré-coloniale permettent
d'illustrer les différences de point
de vue existant encore sur les
conséquences de la traite négrière.
Martin
Klein avance que, alors que la
déportation des esclaves depuis la
Sénégambie était relativement
réduite en nombre absolu, le trafic
a totalement désorganisé
l'organisation politique locale (fin
des grands empires et émiettement
politique extrême) et généré une
violence sociale importante.
L'orientation générale des échanges
vers le nord et le Sahara a été
bouleversé par la traite négrière
qui a déplacé la fenêtre d'ouverture
du continent vers l'Atlantique
(déclin des villes sahariennes,
couplé à la chute de l'Empire
songhaï, indépendante de la traite
négrière, après la défaite de
Tondibi contre le Maroc en 1591).
Ainsi les Wolofs du Waalo et les
Toucouleurs du Fouta Toro ont
progressivement déserté, au cours du
XVIIIe siècle,
la rive nord du fleuve Sénégal pour
la rive sud et se sont vus
contraints de payer un lourd tribut
aux Maures du Trarza et du BraknaNote 4.
À
l'inverse, Philip Curtin prétend
que cette même région
n'aurait pas subi l'influence de la
traite européenne, en restant en
marge des échanges internationaux.
Un de ses disciples, James Webb,
amplifie les conclusions de son
maître en affirmant que la traite
transsaharienne est plus importante
à la même période que la traite
atlantique en Sénégambie. Les thèses
de Curtin, et a fortiori
celles de Webb sur l'impact de la
traite sur les sociétés africaines
ont été notamment critiquée par
Joseph Inokiri, Jean Suret-Canale
Charles Becker et certains de ses
anciens étudiants comme Paul Lovejoy
– ainsi que certains historiens
sénégalais comme Abdoulaye Bathily
ou Boubacar Barry26.
Chronologie
par pays
1888,
abolition de l'esclavage au Brésil.
1886,
Cuba abolissait l'esclavage.
1792,
Par ordonnance royale, le Danemark
abolissait la traite à compter de
l'année 18037
1518,
Charles Quint autorisait la traite
et l'esclavage.
1807,
les États-Unis abolissaient la
traite.
1865,
les États-Unis abolissaient
l'esclavage.
1315,
un Édit stipulait que tout esclave
touchant le sol français devenait
automatiquement libre.
1594,
première expédition négrière
française.
1626,
autorisation de déporter les
premiers esclaves dans une colonie
française.
1642,
autorisation de la traite par Louis
XIII.
1664,
création de la compagnie des Indes
occidentales par ColbertPetre 47.
1685,
promulgation du «Code noir» par
Louis XIV.
Sous
la régence de Philippe, duc
d’Orléans, les Lettres Patentes de
1716 et 1727 permettaient aux
principaux ports français «de faire
librement le commerce des nègres» et
réduisaient de moitié les taxes sur
les denrées en provenance des
colonies comme le sucre. Il restait
à acquitter un droit de 20 livres
par Noir introduit aux îles.
1725,
sous Louis XV, fin du monopole
effectif. La traite privée devenait
libre en échange de droits payés.
1767,
liberté totale de la traite sans
droits à payer. La Compagnie des
Indes rétrocèdait les Mascareignes
au roi ; début de la croissance
économique et intensification de
l’esclavage.
1768,
les ports étaient exemptés du droit
de 20 livres par Noir introduit aux
Iles, droit ramené entre temps à 10
livres.
1784
et 1786, Sous Louis XVI, les efforts
financiers de l’État furent
grands : tout navire négrier
recevait une prime d’encouragement
de 40 livres par tonneau de jauge
payée avant son départ et une prime
de 160 ou 200 livres pour chaque
captif débarqué dans la partie sud
de l'île de Saint-Domingue; ces
efforts portèrent leurs
fruits : les armateurs même les
plus timorés eurent de l’estime pour
ce trafic.
1788,
création de la Société des amis des
Noirs.
1791,
confirmation de l'esclavage dans les
colonies par l'Assemblée
constituante française.
1793,
la Convention refusait d'abolir
l'esclavage et supprimait les primes
pour la traite des esclaves.
1794,
Abolition de l'esclavage par la
Convention mais la traite continue à
l'île Bourbon (aujourd'hui île de la
Réunion) et à l'Île de France (île
Maurice).
20
mai 1802, la loi du 30 floréal an X
maintenait l'esclavage dans les
colonies restituées (Martinique,
Sainte-Lucie) par le Royaume-Uni à
la France.
16
juillet 1802, arrêté consulaire sur
le rétablissement de l'esclavage
dans les colonies où il avait été
aboli (Guadeloupe, Guyane,
Saint-Domingue).
1815,
Pendant les Cent-Jours, Napoléon
décrètait l'abolition de la traite.
Au Congrès de Vienne, la traite
était officiellement interdite.
1817,
Louis XVIII signait une ordonnance
interdisant la traite en France.
1820,
établissement de croisières de
répression le long des côtes
africaines.
1829,
début de l'immigration indienne vers
les colonies françaises.
1831,
troisième et dernière loi
abolitionniste française.
1848
La France abolit l'esclavage dans
toutes ses colonies (ce qui abolit
également la traite négrière
réellement).
1849
Le Tourville aurait été le
dernier navire français à réaliser
une expédition négrière.
- Grande
Bretagne 1807, la
Grande-Bretagne abolissait la
traite.
- Hollande
1863, l'esclavage était aboli
dans les colonies hollandaises de
Surinam et Curaçao.
- Portugal
1441 Début de la traite
négrière occidentale. Des
navigateurs portugais ramènent les
premiers esclaves noirs au
Portugal.
- Vatican1537,
Le pape Paul III condamnait la
pratique de l'esclavage dans la
bulle Veritas ipsa
1839,
Le pape Grégoire XVI condamnait
officiellement la traite négrière.
Réglementations
Le
premier code visant à réglementer
l'esclavage date de 1680. Il a été
réalisé en Virginie. La Caroline fit
de même en 1690
Le
Code noir français
En
France, le Code noir réglementait le
traitement des esclaves dans les
colonies. Par certains côtés,
l'esclave était considéré comme un
être humain, mais il était également
une chose au sens juridique du
terme, placée en dehors de tout
droit de la personnalité Promulgué
en 1685 par Louis XIV, le Code noir
ne fut aboli qu'en 1848.
Un
commerce de personnalités
influentes
- En 1647, la Barbade compte déjà
4000 esclaves, 8 fois plus qu'en
1642. La spéculation sur le sucre
explose. Le colonel Hilliard, qui
avait payé 400 livres sa
plantation en 1642 en revend en
1647 la moitié à Thomas Modyford,
futur gouverneur, pour 7000
sterling.
- En 1660, Charles II Stuart,
retrouve son trône et fonde la
compagnie des aventuriers
d'Afrique, dirigée par Thomas
Modyford jusqu'en 1669.
- En 1665, Sir John Yeamans et le
colonel Benjamin Berringer,
planteurs de sucre de la Barbade,
partent avec plusieurs centaines
d'esclaves dans la Province de
Caroline, dont ils deviennent
gouverneurs, fonder l'expansion
des grandes plantations de tabac.
- En 1664, Thomas Modyford émigre
avec 700 de ses esclaves à la
Jamaïque, devient gouverneur et
implante l'économie sucrière.
- En 1671, Thomas Lynch planteur
et négociant d'esclaves lui
succède, après avoir vécu cinq ans
en Espagne. Conformément au
souhait de Charles II de faire de
la Jamaïque la réserve d'esclaves
de l'empire espagnol, il désarme
les flibustiers, pour assurer la
stabilité.
- En 1672, la nouvelle Compagnie
royale d'Afrique reçoit le
monopole de l'importation
d'esclaves et construira des
dizaines de forts en Afrique. Son
créateur est le duc d'York Jacques
Stuart, qui succède de 1685 à 1688
à son frère le roi Charles II.
- En 1676, le chef pirate Henry
Morgan, arrêté en 1672 par la
Royal Navy, devient gouverneur de
la Jamaïque et l'un de ses plus
riches planteurs. Dans les années
1680, 8000 esclaves arrivent
chaque année dans l'île.
- En 1677, l'amiral Jean-Baptiste
Du Casse, directeur de la
Compagnie du Sénégal, obtint le
privilège de vendre aux Antilles
chaque année pendant 8 ans 2000
esclaves et devient en 1791
gouverneur de Saint-Domingue, où
il acquiert une grande plantation.
- Dès 1678, son plus grand client
fut le capitaine Charles François
d'Angennes, marquis de Maintenon.
Après avoir dirigé la flotte
corsaire contre les hollandais, il
devient le plus riche planteur de
la Martinique, qui ne comptait
encore que 2600 esclaves en 1674.
- En 1701, Antoine Crozat prend la
direction de la Compagnie de
Guinée, à qui Louis XIV impose
désormais d'amener « 3000
nègres pour chaque an aux
îles ». Acquéreur de la
Louisiane en 1712, il y importe
des esclaves et se heurte aux
amérindiens.
- Dès 1735, Antoine Walsh, leader
de la communauté jacobite des
irlandais de Nantes et fils de
Phillip Walsh, qui a ramené en
France Jacques II, est le premier
négociant de Nantes. Il finance
les rébellions du jacobitisme et
fait échec aux projets de taxation
du sucre.
- De 1748 à 1751, grâce aux
capitaux parisiens levés par
société Grou et Michel et la
société d'Angola, les familles
Grou, Michel et Walsh, à la fois
alliées et rivales, contrôlent
48 % de la traite nantaise.
Guillaume Grou avait épousé Anne
O'Shiell, sœur d'Antoine Walsh.
Sans descendance, leur fortune
(4,5 millions de livres) est
confisquée en 1793.
- En 1771 et 1775, Thomas Sutton
de Clonard, actionnaire et
officier de la Compagnie des Indes
orientales, associé du banquier
Isaac Panchaud, achète une immense
plantation sucrière à
Saint-Domingue pour 7,8 millions
de livres
La traite
intra-africaine
C'est la plus ancienne
et la plus obscure, car la moins
documentée, des trois traites. Elle
remonte au moins au XIe siècle,
a été stimulée par les deux autres, mais
n'est devenue dominante qu'au XIXe siècle.
La part de la traite
intra-africaine dans l'ensemble de la
traite a fortement progressé au XIXe siècle,
selon le sociologue Peter Manning. Avant
1850, seulement un tiers des captifs
africains restaient sur place. Puis entre
1850 et 1880, leur nombre devint supérieur
à ceux des traites occidentales et
orientales. Après 1880, les interdictions
de traite transatlantique commencent à
rendre leurs effets et la quasi totalité
des captifs restèrent sur place. Manning
estime à 14 millions le nombre d'esclaves
restant sur place, soit l'équivalent de la
moitié des captifs exportés par les
traites occidentales et orientales
Le chercheur canadien
Martin A. Klein estime lui que, bien avant
1850, plus de la moitié des captifs
restaient en Afrique occidentale. Selon
lui, même les années où l'exportation
d'esclaves atteignait son intensité
maximale, les captifs restant sur place
— principalement des femmes et des
enfants — étaient plus nombreux
La traite atlantique
n'est pas à l'origine de la traite
inter-africaine, mais l'augmente et
entraine davantage de guerres tribales.
Son existence sert souvent de prétexte
humaniste à la constitution des empires
coloniaux français, belges, allemand,
italien et anglais qui, en effet, y
mettent fin mais au prix de la mise sous
tutelle coloniale.
l'abolitianisme
Dès la fin du XVe siècle,
la papauté condamne l'esclavage :
c'est le cas de Pie II, de Paul III, de
Pie V, d'Urbain VIII ou encore de Benoît
XIV29. Mais ne
pouvant le supprimer, elle cherche ensuite
à améliorer les conditions par une action
auprès des esclaves (Sœur Javouhey, Pierre
Claver, Montalembert).
La Révolution française
abolit l'esclavage en février 1794, mais
Napoléon Bonaparte le rétablit en 1802 et
organise l'expédition de Saint-Domingue.
L'abolition ne sera définitive qu'après la
Révolution de 1848. Dans la plupart des
pays, au XIXe siècle,
la traite a été abolie bien avant
l'esclavage.
Dès 1796, le gouverneur
espagnol de la Louisiane, Francisco Luis
Hector de Carondelet, avait interdit toute
importation d'esclaves. Son prédécesseur
Esteban Rodríguez Miró, avait banni en
1786 l'importation d'esclaves nés dans la
Caraïbe, la limitant à ceux qui venaient
d'Afrique. La piraterie des années 1800
dans la Caraïbe est liée à la traite
négrière illégale. La révolution haïtienne
combat cette piraterie, pour rendre la
traite plus dangereuse et plus difficile.
Finalement, la traite des Noirs est
abolie par le Royaume-Uni en 1807, les États-Unis
en 1808, et en
France, par le décret du 29 mars 1815, quand
Napoléon revient au pouvoir lors des
Cent-Jours, confirmé par la suite par
l'ordonnance royale du 8
janvier 1817 et la loi du 15 avril 1818.
Ces trois pays n'aboliront respectivement
l'esclavage qu'en 1833, 1860 et 1848
Au congrès de Vienne
(1815), Talleyrand obtient de pouvoir
participer aux conférences initialement
réservées aux quatre vainqueurs des
guerres napoléoniennes. Il promettra à
Castlereagh de soutenir la position
britannique sur l'interdiction de la
traite. Malgré l’abolition par plusieurs
pays, celle-ci continua de perdurer. En
France, elle est illégale mais pas
clandestine : jusqu'au milieu des
années 1820, des négriers français sont
armés à Nantes ou Bordeaux, à la vue de
tous. Ils bafouent ouvertement la loi.
Entre 1815 et 1833, on recense 353 bateaux
de traite à Nantes
Le Royaume-Uni réprime
la traite, grâce à la puissance de la
Royal Navy, pour des raisons d'équilibre
économique. Mais les milieux d'affaires
français doutent de sa sincérité. Ils
l'accusent de vouloir ruiner la France.
Continuer la traite apparaît comme un acte
patriotique, pour la richesse de la
France.
La traite négrière
disparaît grâce à des accords entre la
France et le Royaume-Uni : le droit
de visite. La Royal Navy croise sur les
côtes occidentales africaines. Leur
mission : visiter les lieux de la
traite et même les navires marchands.
Après 1835, on ne dénombre plus que 20
navires français à s'être livrés à la
traite. Le Brésil abolit officiellement la
traite en 1850(mais l'esclavage seulement
en 1889 ce qui cause le renversement de
l'empereur Pedro II), alors que le dernier
navire négrier arrive à Cuba en 1867
Si la traite atlantique
a disparu, une traite persiste entre l'île
de Zanzibar et le monde arabe. Alexandrie
est de nouveau, dans la seconde moitié du
XIXe siècle,
l'un des principaux marchés à esclaves. On
estime à 1,65 million de personnes le
nombre des victimes de la traite
transsaharienne entre 1800 et 1880. Une
nouvelle forme de traite apparaît :
le commerce des coolies ou coolie
trade.
en définitiveOlivier
Pétré-Grenouilleau, l'historien qui met le
plus l'accent sur la traite orientale, a
estimé, en 2004, à 42 millions le total de
victimes pour trois traites
négrières :
- la traite orientale, à
destination du monde
arabo-musulman : 17 millions de
personnes ;la traite
intra-africaine: 14 millions de
personnes, dont une partie revendue à
des Européens ou des Arabes ;la
traite atlantique, par les
Européens : 11 à 13 millions de
personnes, dont l'essentiel à partir de
la fin du XVIIe siècle.
En 1997, Hugh Thomas a
estimé au total à 13 millions le nombre
d'esclaves « ayant quitté
l'Afrique » lors de la traite
atlantique, dont 11,32 millions arrivés à
destination au moyen de 54 200
traversées. Il affecte au Portugal et sa
colonie du Brésil 30 000 de ces
traversées
Dans ses estimations le
Danemark est censé avoir déporté
50 000 esclaves avec 250 traversées.
Or, selon l'historien danois Per Hernaes,
« on peut estimer aujourd'hui à
environ 85 000 le nombre total
d'esclaves transportés sur des navires
danois entre 1660 et 1806. »
En 2001, David Eltis
arrivait à un total de
11 062 000 déportés pour
9 599 000 esclaves débarqués aux
Amériques, entre 1519 et 1867. Ce sont ses
estimations que Petré-Grenouilleau a
reprises dans son livre Les Traites
négrières, Essai d'histoire globale.
En décembre 2008, David Eltis lance la
plus large base de données consacrée à la
traite atlantique : The
Trans-Atlantic Slave Trade Database,
elle fait état de 12 521 336
déportés entre 1501 et 1866
Quant à l'historien
Serge Daget, en 1990 voici ses
estimations :traite atlantique :
11,7 millions ;traite
transsaharienne : 7,4
millions ;traite orientale :
4,28 millions.
En 1982, Joseph Inikori
estime à 15 400 000 le nombre de
déportés par la traite atlantique, tandis
que Paul Lovejoy proposait
11 698 000déportés (pour
9 778 500 débarqués) ;
chiffre qu'il portera à
11 863 000 en 1989
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